Articles récents \ Culture \ Théâtre Pucie : une transe à la recherche des origines
Avignon, le Off. Pucie, pièce pour trois danseuses et trois pastèques, invite à un voyage dans l’univers féminin, depuis les origines. Cette performance est signée Julie Botet et Mel Favre, les deux chorégraphes-danseuses associées de la compagnie les Sapharides. Qui proposent aussi des ateliers de Fleshdance pour laisser parler la chair.
Trois semaines en Avignon. Une représentation tous les matins, au Théâtre de l’Oulle. » C’est assez physique » explique Mel Favre » alors nous sommes venues à six danseuses « et chaque jour, c’est un trio différent qui monte sur scène, en alternance Julie Botet, Lora Cabourg, Elodie Cottet, Mel Favre, Laura Simonet et Marie Sinnaeve. Physique ? Cela commence plutôt calmement pourtant… Les trois danseuses du jour sont assises autour d’une table, chacune tenant une pastèque. Puis un véritable combat s’engage avec le fruit. La chair juteuse, sucrée, sonore, dégouline sur les danseuses et embaume la scène.
Les tableaux s’enchaînent. Les chorégraphes ont appelé leur création Pucie, contraction de pussy, mot d’argot anglais désignant la vulve, et de Lucie, prénom donnée à l’australopithèque retrouvée en Ethiopie en 1974 : « Tandis que « pussy » relègue aussitôt la femme au rang d’objet sexuel, de butin et de trophée de chasse et systématise la réification du corps-femme, « Lucy », dans une perspective plus lumineuse et positive, vient évoquer la première des femmes, la première des mères et la doyenne de toutes » notent Julie Botet et Mel Favre
Rite initiatique, tourbillon de derviches tourneuses, maternité primitive, danses africaines, corps déformés, triturés, chairs qui tremblent… il ne reste plus qu’aux spectatrices et spectateurs qu’à se laisser emporter par cette transe fruitée et sensuelle, à se laisser couler dans cette ambiance onirique, soutenue par la création sonore envoûtante de Nicolas Tarridec avec Juliette Macquet.
Trouver sa femme primitive
Les trois danseuses du jour finissent nues dans une lumière heureusement enveloppante. Une nudité féminine à la mode depuis des siècles : nudité des modèles féminins représentés par les artistes très majoritairement masculins dont les œuvres peuplent les musées, nudité des « filles » des boîtes de strip-tease à l’usage des messieurs en goguette, nudité provocante des soixante-huitard·es, nudité des mannequins utilisés par la publicité pour vendre des yaourts ou des assurances, nudité des danseuses autour des chanteurs de rap très mâles et très habillés ? Rien de tout cela selon Mel Favre qui, au contraire, y voit la conclusion logique d’une scène tendre et intime où les danseuses prennent soin les unes des autres, se libèrent mutuellement de leurs entraves.
En 2016, Julie Botet et Mel Favre se sont associées sous le nom les Sapharides et ont commencé les recherches autour de Pucie entre France, Espagne, Belgique et Allemagne. Parallèlement, les chorégraphes proposent des ateliers de Fleshdance. Il s’agit pour elles de « penser avec le corps pour laisser penser la chair ». Ces ateliers ont déjà été expérimentés dans des structures culturelles, associatives, en Ehpad, en milieu hospitalier ou dans les prisons pour femmes. « Nous menons les stagiaires à se reconnecter à un état plus primitif, originel et brut. On cherche sa Lucie comme on cherche son clown. Cette transmission tente de mener les stagiaires vers un état de transe grâce à la secousse et à la rotation »
Sylvie Debras 50-50 Magazine
Photo de Une : Cécile Courouble