Articles récents \ Monde Mabel Bianco : « Nous avons besoin d’actions concrètes, pas de mots supplémentaires »

Mabel Bianco est présidente et fondatrice de la Fundacion para Estudio e Investigacion de la Mujer, une ONG qui travaille pour l’égalité des sexes et les droits des femmes depuis 1989 en Argentine. Elle est également fondatrice et coprésidente de l’ONG CSW LAC, une branche régionale du Comité des ONG sur la condition de la femme (CSW NY). En tant que membre du Groupe consultatif de la société civile et du Groupe central pour le Forum Génération Égalité (FGE), elle compte faire entendre les voix des femmes d’Amérique Latine.

« Le Forum est une nouvelle façon de de rendre visible la question de l’égalité femmes/hommes sur la scène internationale », commence d’emblée Mabel Bianco. « C’est une forme différente de coopération internationale (NDR : la société civile, le secteur privé et les gouvernements doivent collaborer) et cet événement permettra, je l’espère, de faire avancer l’action féministe et de faire progresser la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing », poursuit-elle.

Aujourd’hui, les droits des femmes sont menacés dans de nombreux pays. Les textes adoptés à Pékin ne seraient d’ailleurs sans doute pas signés tels quels aujourd’hui, selon de nombreuses féministes. Pour Mabel Bianco, le FGE est donc « un moyen de faire avancer et d’accélérer les progrès ». Surtout en Argentine, où les droits des femmes sont régulièrement bafoués. « Nous n’avons pas encore accès à l’avortement sécurisé. Les femmes ont très peu accès aux nouvelles technologies. Et si nous n’accélérons pas les formations et l’acquisition des compétences dans ce domaine, nous ne serons pas en mesure d’intégrer toutes les femmes dans les travaux futurs, très souvent digitaux. La qualité de l’éducation est très mauvaise pour la plupart des enfants pauvres, et les services de santé publics gratuits sont eux aussi désormais de mauvaise qualité », rappelle-t-elle.

Mabel Bianco, comme de nombreuses féministes, attendent beaucoup du FGE. Mais pourquoi ce Forum serait-il si différent des événements internationaux organisés jusqu’à présent ? D’abord, dans son fonctionnement, en faisant collaborer des personnes et entités qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble. Ensuite, les organisations féministes espèrent « que le FGE permettra de mettre en place une discussion ouverte entre toutes les parties prenantes, en dehors du cadre trop formel de l’ONU. Lors des événements onusiens, qui sont principalement des événements intergouvernementaux, la société civile n’a pas la possibilité de voter et le dialogue est souvent difficile. Le FGE permettra également de mener des discussions plus rapides et plus approfondies sur les moyens à adopter pour mettre en place la plateforme de Pékin ».

Le temps des actions concrètes 

Les attentes sont claires et ambitieuses pour faire de ce Forum une réussite, 25 ans après l’événement de Pékin. Il y a 25 ans, l’événement historique avait permis de mettre sur la table de nombreux problèmes et avait pointé du doigt les avancées nécessaires en matière d’égalité femmes/hommes. 25 ans plus tard l’heure n’est plus aux constats – que les féministes connaissent trop bien – mais aux actions concrètes.

« En 25 ans il y a eu des avancées », explique Mabel Bianco, « mais il reste encore beaucoup à faire. Notamment pour l’autonomisation économique des femmes. La pauvreté a augmenté et touche de plus en plus de femmes et de jeunes filles, c’est une problématique très difficile à résoudre. Les inégalités sont également plus nombreuses, surtout en termes économiques. L’écart entre les pauvres et les riches dans le monde est plus important et c’est une tendance qui continue d’augmenter, rendant encore plus inégaux d’autres aspects comme la qualité de l’éducation et les services de santé. Les femmes sont plus touchées et gagnent moins d’argent que les hommes. Les femmes sont les plus concernées par le travail non rémunéré – dans l’économie du care notamment – ce qui limite leurs possibilités de mieux s’insérer sur le marché du travail ».

Pour Mabel Bianco le FGE est une réponse adaptée pour faire face à ces nombreux défis. Car cet événement permettra de « développer des idées concrètes ». Bien sûr cela sous-entend que les Etats adoptent ensuite les programmes et pistes de réflexion développés lors du FGE. « Le Forum ne remplace pas les actions des gouvernements mais il les encourage à faire avancer et à faire progresser l’égalité des sexes », détaille-t-elle, tout en prévenant « nous avons besoin d’actions concrètes, pas de mots supplémentaires. »

Chloé Cohen 50-50 Magazine

Article déjà publié le 30 décembre 2020

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