Articles récents \ France \ Politique Colloque “La Parité 20 ans après ! Genèse, acquis et perspectives”

Le 4 octobre 2021 la CLEF organisait un colloque au palais du Luxembourg, sous le marrainage de la sénatrice Laurence Rossignol : “La Parité 20 ans après ! Genèse, acquis et perspectives”. Les interventions ont porté tout d’abord sur la mobilisation des différent·es actrices et acteurs qui ont permis la promulgation des “Lois Parité”. Dans un deuxième temps, elles traitèrent des perspectives d’avenir de ces lois, où en sommes-nous en 2021 ? Quelles ont été les conséquences politico-juridiques et sociétales de ces lois ? Des élu·es locales femmes et hommes se sont penché·es sur ces questions.

Quelle fut la genèse de ces “Lois Parité” ? Tout d’abord, il faut rappeler que l’inégale répartition des femmes et des hommes en politique est un sujet tendu qui a émaillé l’histoire française. Ainsi pendant la révolution de 1789 “triomphe” du pouvoir du peuple face à la monarchie, Olympe de Gouges est guillotinée pour avoir affirmé que, “la femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit avoir le droit de monter à la tribune”. Les décisions s’additionnèrent ensuite pour bannir les femmes, soit la moitié de la population, de la vie publique : ni droit de se présenter à une élection, ni droit de vote, ni droit de se regrouper à 5, en somme, pas de droit à la parole. En 1848 est promulgué le suffrage universel. Quelle ironie puisque les femmes ne peuvent toujours pas voter. Hubertine Auclert, l’une des pionnières en matière de parité politique exigeait que ces lois soient révoquées et, dès 1877, combattait pour le droit des femmes à se présenter aux élections. Elle meurt en 1914, et n’a donc jamais pu voir de son vivant l’avènement de ses combats. Le droit de vote pour les femmes ne fut accordé en France qu’en 1944 par le général De Gaulle, soit presque 100 ans après le suffrage “universel”.

La mise en place d’un système paritaire

Pourtant, malgré l’acquisition du droit de vote, les femmes restaient cruellement absentes de l’hémicycle. En 1945, seules 33 femmes avaient été élues sur 586 députés. Cette tendance perdurera tout ce siècle : malgré leur participation aux élections, les femmes restent largement minoritaires parmi les élu·es. Très vite, des militantes se sont rendues compte de ce problème qui nuisait grandement à la vie démocratique mais les hommes au pouvoir ne voulaient rien entendre.

En 1977, Françoise Giroud propose de limiter la représentation du même sexe à 85% dans les élections municipales. En 1982 Gisèle Halimi dépose un amendement pour limiter à 75% la proportion de sièges occupés par le même sexe dans les conseils municipaux. Cet amendement est rejeté car jugé “inconstitutionnel” par le Conseil constitutionnel puisqu’il diviserait les Français·es en 2 catégories. La réponse est claire : le pouvoir fait la sourde oreille quant aux obstacles mis sur l’accès à la politique pour les femmes après des millénaires d’oppression. Le 18 novembre 1993 est publié le “Manifeste des 577”, signé par 289 femmes et 288 hommes. Le constat est simple : 48 ans après le droit de vote, seul·es 5% des élu·es sont des femmes, soit encore moins qu’en 45. Rien ne changera si la loi n’évolue pas en conséquence. Il ne s’agit plus de permettre aux femmes de voter, il s’agit de protéger leur droit à être élue. Trois ans plus tard parait le “Manifeste des dix pour la parité”, avec parmi ses signataires Simone Veil notamment. Cela ne suffit pas et les femmes sont 5.6% au parlement, moitié moins que la moyenne européenne qui est de 11.6%. Il faut des lois, et vite.

En 1996 un nouveau Manifeste est publié, celui pour la parité qui retrouve parmi ses signataires, encore une fois, Simone Veil. Finalement ces décennies de lutte aboutiront le 6 juin 2000 à l’ajout à la Constitution d’un amendement stipulant que “La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives”. La loi prévoit une égalité obligatoire des candidatures pour les scrutins de liste et une alternance. Pour les élections législatives tous les partis qui ne présentent pas 50% de candidat·es de chaque sexe devront payer une amende. La France devient le premier pays au monde à adopter un système paritaire pour les élections à un tour. Est-ce que cela signifie pour autant que la lutte pour la parité en politique est finie ? Loin de là, comme le montreront hélas les deux dernières décennies.

Une parité sur le papier bien loin d’une parité effective

Si la loi de 2000 est lacunaire car elle ne comprend pas ni les élections municipales dans les villes de moins de 3 500 habitant·es, ni les cantonales, ni les sénatoriales dans les départements de moins de 3 sénatrices/sénateurs, des avancées seront faites sur ces points. Dans les années suivantes, de nouvelles lois seront promulguées pour combler ces oublis. Pourtant, malgré les avancées législatives qui ont féminisé les exécutifs locaux, le problème demeure : les femmes n’ont pas réellement le pouvoir. En effet, si les femmes sont plus présentes qu’il y a 20 ans, elles n’occupent toujours pas les rôles prépondérants du système politique français. Aucune femme n’a été Présidente de la République, aucune Présidente du Sénat, aucune Présidente de l’Assemblée Nationale et elles ont rarement occupé les ministères régaliens ou été Première Ministre. Les têtes de liste sont le plus souvent des hommes : seules 4 femmes sont présidentes de région. Les femmes restent exclues des postes à haute responsabilité et cette situation ne pourra être changée que par des mesures fortes.

Lors du colloque la CLEF a émis des recommandations qui seront transmises à Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier Ministre chargée de l’Égalité entre les Femmes et les Hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances. Ces recommandations sont simples et se concentrent sur 3 points majeurs : le non-cumul des mandats, des aides et des formations pour soutenir les primo-candidates et une réforme de l’éducation sur les femmes et la politique dans le cursus scolaire.

Tout d’abord sur le non-cumul des mandats, le constat est clair. Les hommes se les accaparent en les cumulant, rendant impossible pour des femmes de se présenter à ces positions. Les interdire mènerait d’une part à une amélioration de la parité effective, et d’autre part à une meilleure gestion des territoires et des collectivités locales. En cumulant, les hommes ne peuvent pas correctement remplir tous leurs rôles et laissent le travail à leur·e adjoint·e, bien souvent des femmes en raison des Lois parité. Les responsabilités sont données aux femmes, mais elles restent systématiquement dans l’ombre d’un homme.

Le deuxième point est l’éducation. En effet, l’éducation peut sembler triviale pour ce problème, mais elle est en réalité la racine de celui-ci. Si les femmes n’osent pas se présenter aux postes à hautes responsabilités c’est parce que durant tout leur cursus scolaire elles ont appris que les femmes n’ont qu’un rôle de soutien et que le devant de la scène est réservé aux hommes. Dans les manuels scolaires les femmes qui ont fait l’Histoire au même titre que les hommes sont systématiquement omises. Les petites filles n’ont aucun modèle leur montrant qu’elles sont tout aussi aptes que leurs camarades masculins à assumer de grandes responsabilités. La parité est également une question d’engagement, il faut inciter les femmes à se présenter et ce, dès le plus jeune âge.

Le dernier point est lié au précédent. Il s’agirait de donner des aides financières et des formation aux primo-candidates. Encourager l’engagement passe aussi par les aider à développer un réseau puisque, dans un monde d’hommes, il est difficile pour les femmes de nouer des contacts. Si cela peut sembler injuste il n’en est rien, il s’agit simplement de combler l’écart entre les femmes et les hommes. Les formations seraient également une nécessité pour apprendre aux femmes à avoir confiance en elles et à s’affirmer. La politique consiste à se présenter aux électrices/électeurs mais il est impossible de le faire lorsque personne ne nous a appris que les femmes étaient aussi compétentes que les hommes.

En somme, des avancées ont été faites via les lois paritaires qui ont été obtenues après des siècles de lutte et de sacrifices. Mais 20 ans après, bien que la parité soit inscrite dans notre Constitution, nous n’avons pas atteint la parité effective. Les femmes occupent des postes certes, mais pas des postes à hautes responsabilités et restent majoritairement dans l’ombre des hommes. Le monde politique est machiste, pourtant les femmes représentent plus de 50% de la population française. Il est temps que leurs voix soient entendues dans les plus hautes strates du pouvoir.

Célia Rabot 50-50 magazine

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