Articles récents \ Matrimoine Marcello, Duchesse, Sculptrice et Artiste de la Cour

Dans l’histoire de l’art, peu de femmes ont choisi d’utiliser un pseudonyme pour se faire connaître et reconnaître. La Duchesse de Castiglione Colonna est l’une d’entre elles. Tombée dans l’oubli comme nombre d’entre elles après sa mort, Il faudra attendre les années 60 pour que son travail soit apprécié à sa juste valeur.

Au 19ème siècle, l’Académie royale de peinture et de sculpture était exclusivement réservée à ces messieurs. Créée en 1648, elle a accueilli des académiciennes mais en nombre restreint. Ces dames ne suivaient pas les mêmes enseignements que leurs homologues masculins. Pas de cours d’histoire et d’anatomie, pas de portrait en pied ni de nus, interdiction de concourir au prestigieux prix de Rome. Elles ne pouvaient peindre que sur de petits formats et uniquement des thèmes imposés comme les natures mortes, des sujets religieux, des portraits ou autoportraits ou encore des miniatures. Aux hommes les arts majeurs, aux femmes les arts mineurs. On dénombre seulement 15 académiciennes durant les 150 ans pendant lesquels les portes des Beaux-Arts leur furent ouvertes. En effet à la révolution française celles-ci leur furent fermées jusqu’en 1889. Ces dames devaient alors se diriger vers des ateliers privés ou bien compter sur la formation enseignée par leur père, frère ou époux et pour les plus fortunées, faire appel aux services d’un peintre ou d’un sculpteur privé. Elles pouvaient néanmoins exposer au prestigieux Salon de peinture et de sculpture ainsi que dans d’autres lieux dédiés à l’art. C’est ce que fit la Duchesse de Castiglione Colonna en 1863.

Adèle d’Affry (1836-1879) de son nom de jeune fille  était une aristocrate suisse. Elle reçut une éducation propre à son rang et épousa à 20 ans le Duc de Castiglione Colonna, devenant dès lors la Duchesse de Castiglione Colonna. Veuve après un an de mariage, elle décide de se consacrer à l’art et plus particulièrement à la sculpture. Elle s’installe à Paris et loue l’appartement d’un cousin d’Eugène Delacroix. Son rang lui permet de côtoyer le milieu artistique et mondain du Second Empire. Pour pouvoir suivre des cours d’anatomie et assister à des cours privés de sculpture Adèle d’Affry se déguise en homme.

Elle décide d’exposer au Salon de 1863 à Paris sous le pseudonyme de « Marcello », nom d’un compositeur italien du 18ème siècle. Son buste « Bianca Capello » y est remarqué par l’Impératrice Eugénie. Celle-ci l’introduira à la Cour où elle côtoiera Napoléon III et obtiendra plusieurs commandes d’État. Pour l’une d’entre elles elle devra sculpter le buste de l’Impératrice. Sa sculpture fut sévèrement critiquée et refusée par une commission d’experts avant d’être finalement acceptée. Elle se lie d’amitié avec les compositeurs Liszt et Gounod ainsi qu’avec l’écrivain Mérimée et voyage dans toute l’Europe pour s’inspirer des différents courants artistiques. « Je ressemble », écrivait-elle, « à ces âmes dont parle Dante, qui étaient devenues des arbres et gémissaient et se tordaient au vent. »

Marcello réalise essentiellement des sculptures de femmes fortes et indépendantes. Les critiques de l’époque louent son originalité artistique et sa fermeté « virile ».

Adèle est présente à l’Exposition Universelle de 1867. Son chef d’œuvre, La Pythie, est retenu par Charles Garnier pour orner le nouvel opéra parisien, choix qui fit scandale dans le milieu de l’art puisqu’il était indécent pour une femme de représenter un nu. Elle rafle une médaille à l’Exposition Universelle de 1873.

Malheureusement, Adèle est atteinte de tuberculose et la sculpture la fatigue énormément. Elle s’oriente alors vers la peinture et le dessin. Adèle est admise dans le cercle des artistes impressionnistes où elle peindra plusieurs portraits de Berthe Morisot. Elle rédige son testament mentionnant sa volonté de léguer ses œuvres à la ville de Fribourg sous réserve qu’un musée y soit créé. Elle meurt à 43 ans et son travail tombe dans l’oubli jusqu’en 1963 où la fondation Marcello voit enfin le jour.

Laurence Dionigi 50-50 Magazine

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