Articles récents \ France \ Économie Violences au travail et violences conjugales: quels liens ?
En 2021, le constat concernant les violences faites aux femmes au travail est alarmant ; 1 femme sur 3 est harcelée ou agressée sur son lieu de travail. Malgré les avancées concernant l’égalité professionnelle, la situation des femmes sur le marché du travail reste toujours plus fragile que celle des hommes ! Les violences au travail ne sont pas les seules violences qui ont un impact sur les salarié·es, les violences conjugales ont également des répercussions au travail.
Pour parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes, il faut construire cette égalité dans tous les domaines et notamment au travail, où de nombreuses inégalités perdurent malgré les lois. Il faut repenser l’égalité sur tous les points et même pourquoi ne pas s’engager avant que des lois soient mises en place sur ces questions, comme l’ont fait certaines structures professionnelles concernant le droit de vote des femmes avant 1944.
Les violences familiales concernent 10% des femmes, à ce jour 101 femmes ont été tuée par leur conjoint ou ex-conjoint, ce qui représente une grande part des salariées. Les entreprises ont donc leur part à jouer dans la protection de leurs employées. Les violences au sein du couple ne s’arrêtent pas au domicile de la victime ! Pour ces femmes, travailler peut permettre l’émancipation économique nécessaire pour être autonome et quitter leur agresseur. C’est aussi un lieu permettant le lien social qui les protègent de l’isolement, un espace pour souffler ainsi qu’un lieu de protection où l’employeur a sa part de responsabilité. Mais il est aussi un lieu connu de l’agresseur et ce même si la victime à quitté le domicile familial. Cette composante est très importante à prendre en compte car l’agresseur connaît l’endroit et les habitudes de la salariée, c’est parfois le seul endroit qu’il peut encore surveiller et contrôler. Une femme victime de violences a besoin de la stabilité de l’emploi pour pouvoir s’en sortir. Ces femmes, qui rencontrent de nombreuses difficultés pour conserver leur poste, dus a leurs retards, absences, erreurs, vivent en permanence dans la peur de le perdre. Le marché de l’emploi étant déjà difficile d’accès, pour une femme victime de violences en recherche d’emploi, cette démarche est encore plus compliquée…
Le rôle des entreprises
Les entreprises ont leur rôle a jouer dans la détection des signaux d’alerte et dans la protection des salariées. Dans toutes situations, il faut être attentif à ses collègues et aux signes présents. Un mari omniprésent qui appelle sa femme en permanence, ou qui lui envoie des messages auxquels elle s’empresse de répondre le plus vite possible, l’empêche de se concentrer au travail. Un mari qui attend systématiquement sa femme a la sortie du travail, l’empêche de boire des verres avec ses collègues. Des changements de comportement, des absences répétées, des erreurs fréquentes, ou un surinvestissement soudain peuvent être le signe que quelque chose ne va pas bien…Poser la question «Quelque chose ne va pas?» ou «Est ce que je peux t’aider?» est une ouverture à une potentielle réponse. La salariée ne dira peut-être rien, mais elle saura qu’elle peut se confier si elle en a besoin. Elle peut aussi décider de tout raconter, il fallait juste un élément déclencheur lui permettant de se sentir écoutée et soutenue. Dans cette optique, une campagne #Aidetacollègue est née. Elle permet de faire savoir à ses collègues qu’on est là, prêt·es s à écouter de façon non jugeante grâce à ce hashtag autocollant à mettre sur son ordinateur à la vue de tou·tes.
Dans l’idéal bien sûr, il faudrait agir avant de réagir… De nombreuses entreprises pensent que les violences conjugales n’ont pas leur place au travail et concernent la sphère privée. Malheureusement, elles commencent à s’intéresser à ce sujet lorsqu’un féminicide se produit sur le parking sous les fenêtres de leurs bureaux… Cela renvoie à une réaction tardive et d’urgence qui compliquent le travail des associations et qui a de lourdes conséquences sur l’entreprise et ses employé·es. Les violences au sein du couple ne font pas partie de la sphère privée, puisqu’elles ont un impact au travail et que l’entreprise a son rôle à jouer dans la protection des salarié·es.
L’entreprise se doit d’agir mais en restant à sa place. La discrétion et le secret médical doivent être appliqués. Avec l’aide d’associations, des actions de sensibilisation et de prévention peuvent êtres mises en place. D’ailleurs, l’employeuse/l’employeur est soumis·e à certaines obligations. On retrouve par exemple, la prévention obligatoire, l’aide au relogement… Les trois axes d’actions sont : Repérer, Agir et Sensibiliser ! Depuis quelques années, de grandes entreprises telles qu’ EDF ou Orange inscrivent les violences conjugales dans leurs accords collectifs et s’engagent à agir pour protéger les victimes. Elles mettent en place des plans de formation pour les employé·es et plus particulièrement pour les personnes ressources tout en tentant de construire et/ou de maintenir un environnement non sexiste. Les réunions de formation d’EDF par exemple sont pluridisciplinaires dans le but de faire se rencontrer les différent·es professionnel·les, qui se croisent rarement du fait du grand nombre de postes dans cette grande entreprise. Ces réunions permettent d’expliquer le rôle de chaque professionnel·les et de faire comprendre à chacun·e les choses avec le même vocabulaire. Des questionnaires anonymes sont distribués dans ces entreprises afin de connaître le degré de violences ressenti par les employé·es permettant ainsi de pouvoir mettre en place des dispositifs, des sanctions et des aides. La majeure partie du travail se fait également par la sensibilisation grâce a des affiches, des annonces sonores…
Toutefois, les entreprises doivent être prudentes dans la réalisation des affiches pour conserver l’anonymat des personnes qui sont victimes. Par exemple, insérer un n° de téléphone gratuit à appeler en cas de besoin plutôt que d’indiquer sur une porte à la vue de tou·tes que la pièce qui se trouve derrière l’affiche accueille celles qui sont victimes de violences, sera une meilleure façon d’aborder les victimes… Il est également nécessaire de choisir des endroits privilégiés comme la salle de pause ou les cabines de toilettes individuelles pour placer les affiches, lieu où les femmes vont être seules sans que personne ne puisse vérifier ce qu’elles font.
Des campagnes d’affichage
La campagne #Aireengagée, sur les autoroutes, reprend ces affichages dans les cabines de toilettes individuelles et distribue des mémos contenant l’explication de ce qu’est un Centre National d’Information et de Documentation des Femmes et des familles (CNIDFF) et leur localisation aux employé·es afin qu’elles/ils aient les connaissances nécessaire pour orienter les femmes qui en feraient la demande suite à leur arrêt dans cette aire de repos. Les entreprises doivent également effectuer des aménagements d’horaires et permettre à leurs employé·es de faire des recherches avec les outils numériques à disposition au sein de l’entreprise afin qu’il n’y ait pas de traces sur leurs téléphones portables qui puissent être contrôlées par l’agresseur. Lors des appels, il faut aussi mettre en place des autorisations d’absence délivrées par le CNIDFF par mail ou téléphone afin que les victimes peuvent consulter anonymement. Des aménagements d’horaires ou des déplacements doivent pouvoir se réaliser sans risques au sein de l’entreprise. Des levées d’amnésie traumatique peuvent survenir au travail, lorsqu’on sent un parfum, par exemple …et peuvent être reconnues comme accident du travail. Les associations ont aussi leur rôle à jouer indépendamment des entreprises. Par exemple si l’employeur est l’agresseur, il y a possibilité de monter un dossier à l’extérieur de l’entreprise.
Des mesures et des engagements tels que le Grenelle des violences conjugales, la Convention 190, l’association d’assurés AGIPI, ou encore l’engagement de certaines entreprises sont pris et les violences commencent à être mieux appréhendées mais des mesures restent à prendre. Il est important de sensibiliser tout le monde, même les entreprises essentiellement masculines car elles sont aussi concernées par les violences. Et, pourquoi ne pas mettre en place un affichage de prévention pour les auteurs, au même titre que les accompagnements suite aux féminicides?
On pourrait définir trois types d’entreprises :
- Les entreprises sensibilisées : qui utilisent des affiches, des relais n° ( 3919..), flyers qui définissent ce que sont les violences conjugales, kakemonos, vidéos, MP4 vidéo dans l’entreprise,…
- Les entreprises partenaires d’un CIDFF, qui organisent des formations pour les personnes ressources ( RH, infirmièr·es, syndicalistes, assistantes sociales),…
- Les entreprise engagées : qui regroupent les actions des entreprises sensibilisées et des entreprises partenaires et proposent de nombreux types de formation pour leurs employé·es,…
Aujourd’hui les entreprises sont plutôt sensibilisées et certaines mènent des actions de prévention, par le biais d’affiches, de boîtes à outils, formations… La crise liée au Covid 19, le télétravail ont été très problématiques concernant la question des violences conjugales. 36 % des femmes victimes de féminicides étaient salariées.
Camille Goasduff 50-50 Magazine