Brèves Mineures victimes de violences: parler leur langage pour restaurer la confiance

 

comment on s'aime

Parce qu’elles peuvent être plus vulnérables et plus précaires économiquement, les mineures sont particulièrement démunies face aux violences qu’elles peuvent subir. Moins à l’aise avec le fait d’entrer en contact directement avec les structures existantes, elles constituent souvent un public « hors radar ». Pour mieux les aiguiller et répondre à leurs besoins, l’association En avant toute(s) a créé le tchat Commentonsaime.fr, un outil dédié aux moins de 26 ans, qui reprend leurs codes et restaure la confiance. 

Les jeunes ont du mal à se confier aux adultes et à chercher de l’aide » 

Le constat tiré par les associations de terrain est clair : malgré la prévalence des violences au sein du couple ou dans la famille chez les jeunes, les victimes ne se rendent pas dans les structures capables de les aider. Les jeunes, et principalement les femmes, peuvent être sujettes à des facteurs de vulnérabilité particuliers. Alors que l’adolescence correspond à la découverte des premières relations amoureuses et sexuelles, elles sont, de plus, nombreuses à ne pas encore être indépendantes financièrement. Elles sont donc plus susceptibles de se retrouver dans des relations de dépendance économique et affective vis-à-vis de la personne violente. Pourtant, craintives face aux institutions et souffrant d’un manque de repérage de la part des adultes encadrants, les mineures victimes sont un public particulièrement difficile à capter.

Selon Louise Delavier, porte-parole d’En avant toute(s), l’explication ne fait pas de doute : « C’est parce qu’il y a un manque de connaissance et de confiance largement répandu chez les 14-18 ans. Les jeunes ont du mal à se confier aux adultes car ils ont l’impression que cela va les faire entrer dans des démarches lourdes, qui vont compliquer leur vie plus que les améliorer, par exemple en les retirant de leur famille ». Par ailleurs, les jeunes femmes ont également la sensation de ne pas être comprises par les adultes référents.
Cette observation a amené l’association En avant toute(s) à réfléchir à des manières nouvelles de s’adresser à elles.

Commentonsaime.fr : un tchat pour restaurer la confiance 

Spécialisée dans​​l’accompagnement des jeunes femmes et des personnes LGBTQIA+ victimes de violences au sein du couple ou de la famille, En avant toute(s) s’inscrit dans des espaces non captés par des institutions, notamment Tiktok. Elle a aussi créé le premier tchat de France dédié à ces questions. Celui-ci est pensé comme une porte d’entrée simplifiée pour des jeunes plus à l’aise avec l’écrit, mais surtout qui ne se rendent pas dans les structures d’accueil classiques. Utilisé par plus de 3 500 personnes en 2021, l’anonymat et la gratuité de Commentonsaime.fr sont des facteurs décisifs de son succès : « Sans l’anonymat, les victimes ne parleraient pas », tranche Louise Delavier. En effet, la discrétion du tchat restaure le lien de confiance : les jeunes qui s’y rendent ne craignent pas pour leur identité, et ainsi, ne craignent pas qu’on leur impose une prise d’action. « L’action est lancée après la mise en confiance, explique Louise Delavier. Nous amenons les jeunes vers le tchat pour ensuite leur permettre d’avoir accès à des dispositifs institutionnels qui leur conviennent ». La clé de la réussite de l’outil ne tient pas qu’à sa réserve. La version numérique d’un accompagnement habituellement pensé en face à face est née du travail qu’a fait l’association pour s’adapter aux besoins et aux modes de communication des plus jeunes. Ainsi, le tchat est un dispositif dont elles maîtrisent les codes (accessibilité sur téléphone mobile, usage d’émojis, registres de vocabulaire…) : « On leur parle avec professionnalisme, mais dans un langage qui leur ressemble », précise Louise Delavier. Surtout, Commentonsaime.fr permet aux jeunes victimes de se sentir plus à l’aise. En effet, beaucoup n’ont jamais verbalisé ces violences vécues, et l’écrit facilite le discours. Or, la première étape pour exprimer cette violence est d’abord de la reconnaître. 

Mieux communiquer sur les violences faites aux jeunes femmes : l’importance de changer le discours 

En effet, En avant toute(s) perçoit une certaine difficulté des jeunes femmes, a fortiori les mineures, à se reconnaître comme “victimes”, ce qui peut les éloigner des dispositifs existants.  L’image renvoyée par les violences, souvent physiques ou touchant un public plus âgé, ne correspond pas à leur réalité, et les jeunes victimes ne se sentent pas légitimes. « Je ne suis pas une femme battue, est-ce que nous pouvons parler quand même ? » est une introduction fréquente sur le tchat. Plus encore, les violences dans les relations affectives et amoureuses sont si banalisées que beaucoup de jeunes femmes en sont victimes sans avoir pourtant pu les identifier comme telles. C’est également l’un des rôles du tchat : pouvoir analyser avec elles (et non apporter un diagnostic à leur place) les comportements violents dont elles sont victimes. L’association a donc fait le choix d’adopter une communication positive, et d’aborder les violences sous l’angle des questions d’amour et des relations. Cette approche douce permet de ne pas stigmatiser les jeunes femmes comme des “victimes”, figure connotée très négativement auprès des jeunes, et de ne pas effrayer ou rebuter les personnes qui n’ont pas encore diagnostiqué les violences qu’elles vivent. Avec le succès de l’outil, force est de constater que cette stratégie fonctionne.

En avant toute(s)

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