Brèves Héritage : l’égalité bafouée pour les femmes du Maghreb

 

 

 

En Tunisie, au Maroc ou en Algérie, les sociétés civiles n’ont jamais renoncé à lutter contre les inégalités prévues par les lois des trois pays dans l’accès à l’héritage. Malgré un certain nombre de victoires et de progrès, la domination masculine persiste, discriminant les femmes au profit des hommes. Une situation qui a pour conséquence de freiner les velléités d’indépendance des femmes, de favoriser les discriminations et les violences à leurs encontre et de compliquer leur pleine implication dans toutes les strates de la société.

Le rapport « Inégalité dans l’héritage : Paupérisation des femmes et manque à gagner pour le Maghreb » est le fruit du travail conjoint de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD). Publié à l’occasion du 10 décembre et en clôture de la campagne internationale des 16 jours d’activisme contre les violences du genre, il dresse un état des lieux des différentes formes d’exclusion et de discrimination à l’égard des femmes en droit successoral dans les trois systèmes juridiques de la Tunisie, de l’Algérie et du Maroc. La transposition du droit successoral musulman dans les ordres juridiques des trois pays est profondément inégalitaire. A conditions égales, une femme peut espérer recueillir la moitié de la part d’un homme dans le cadre d’une succession. Par exemple, dans les trois pays, le mari a droit à la moitié si l’épouse décède sans descendance. Il a droit au quart si l’épouse laisse des descendants ayant vocation à la succession. L’épouse survivante a droit au quart si le mari décède sans descendance et au huitième si le mari laisse des descendants ayant vocation successorale.

La persistance de ces situations paraît contradictoire avec l’égalité constitutionnelle et les traités pourtant ratifiés par les trois pays, comme souligne notre rapport. Il s’appuie sur l’expertise de l’ATFD, lAssociation démocratique des femmes du Maroc (ADFM) et le Centre d’information et de documentation sur les droits de l enfant et de la femme (CIDDEF) ; associations de terrains et de spécialistes dans la lutte contre les discriminations fondées sur le genre au Maghreb, pour élaborer, à l’aune des standards internationaux, une synthèse sur les réformes à engager pour reconnaître l’égalité dans l’héritage dans la loi comme dans la pratique.

Ce travail intervient dans le contexte des pressions des mouvements féministes, qui ont permis d’obtenir des constitutions nouvelles ou révisées, qui ont consacré le principe d’égalité ou de non-discrimination entre les sexes et les droits des femmes. La convention internationale contre l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a également été ratifiée par les 3 pays qui ont soit levé certaines réserves qui se rapportent à la question comme au Maroc et en Tunisie et même en Algérie, soit entamé des démarches pour le faire.

Pourtant les blocages politiques persistent à la faveur des contre-offensives des mouvements populistes et des fondamentalistes religieux. Ainsi l’évolution de loi arrachée par le Hirak en Algérie, la révolution tunisienne ou les réformes au Maroc tardent encore à se concrétiser. « Les responsables politiques en place tentent d’avorter le débat concernant l’égalité dans l’héritage. C’est le cas du président tunisien par exemple qui n’a pas donné suite au projet de loi proposé au parlement tunisien depuis 2018 » souligne Khadija Cherif coordinatrice de la commission de l’égalité dans l’héritage au sein de l’ATFD. Le progrès vers plus d’égalité symbolise pourtant un gain pour l’ensemble des sociétés de ces trois pays.

« Au travers de ce rapport, la FIDH et l’ATFD veulent se montrer à l’écoute des nouvelles générations et affirmer leur détermination à poursuivre ce combat essentiel avec les acteurs de la société civile, les instances régionales et internationales des droits humains, les partis politiques progressistes, les universitaires, les artistes… En somme, toutes les forces avec qui elles partagent un socle de valeurs universelles, égalitaires et progressistes », conclut Hafidha Chekir, Vice-présidente de la FIDH.

Fédération Internationale pour les Droits Humains

Association tunisienne des femmes démocrates

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