Brèves Les filles font moins de maths depuis la réforme du lycée
La réforme du lycée et ses impacts sur les mathématiques : Eclairage sur les chiffres du ministère de l’Education Nationale
Le ministère publie aujourd’hui un communiqué intitulé « Enseignement des mathématiques : des perspectives positives et un accompagnement renforcé au lycée ». Ce dernier fournit quelques chiffres sur l’enseignement des mathématiques dans la voie générale du lycée, auxquels nous souhaitons apporter notre éclairage.
Commençons par préciser le périmètre des problématiques présentées : seuls les points 1, 6 et 8 de ce communiqué concernent l’ensemble des élèves, tandis que tous les autres portent sur l’option « mathématiques expertes » choisie par les lycéens et lycéennes qui se destinent à des études scientifiques à forte dominante mathématique, et qui concerne 14% des élèves de terminale. Cette distinction étant faite, examinons le texte point par point.
L’enseignement des mathématiques dans la voie générale en quelques chiffres
1. En 2021-2022 plus de 60% des élèves de terminale générale suivent un enseignement de mathématiques, soit en spécialité mathématiques, soit en mathématiques complémentaires.
Réponse : Nous ne pouvons pas vérifier ce chiffre car les données des options ne sont pas publiées pour 2021- 2022, mais en 2020-2021, 59% des élèves suivaient un enseignement de mathématiques en terminale, ce qui n’est pas très différent. Avant la réforme, 90% des élèves suivaient un enseignement de mathématiques en terminale : nous avons donc perdu un élève sur trois.
2. 49 000 élèves de Terminale S avaient choisi la spécialité mathématiques en 2019-2020 : ils sont 52 000 en 2020-2021 à avoir choisi la spécialité mathématiques et l’option mathématiques expertes après la réforme.
Réponse : oui, mais ce n’est pas représentatif de l’effectif général. Cet effectif pourrait être comparé aux 150 000 élèves qui n’ont plus de mathématiques en terminale suite à la réforme en 2020-2021, contre 40 000 en 2019-2020. Par ailleurs, la différence de 3000, relativement faible, a besoin d’être confirmée par l’étude des données sur plusieurs années pour devenir significative.
3. Avant la réforme, les élèves de Terminale S qui avaient choisi la spécialité mathématiques suivaient 8 heures de mathématiques par semaine ; après la réforme les élèves qui suivent la spécialité mathématiques et l’option mathématiques expertes suivent 9 heures de mathématiques en terminale.
Réponse : oui, mais il n’y a plus d’offre homogène sur l’ensemble des lycées, puisqu’il ne s’agit plus que d’une option, réservée aux élèves déjà spécialisés. Par conséquent, elle n’est pas accessible dans tous les lycées, il n’y a pas de garantie d’uniformité des connaissances. Par ailleurs, elle ne concerne qu’un petit nombre d’élèves (1 élève de terminale sur 7) parmi ceux qui sont déjà en spécialité mathématiques.
4. Les programmes de la spécialité mathématiques et de l’option mathématiques expertes (après la réforme) sont plus exigeants que ceux de Terminale S avec la spécialité mathématiques (avant la réforme).
Réponse : oui, mais le programme de mathématiques de l’ancienne ES ainsi que celui de l’option L ont disparu et n’ont plus d’équivalent au niveau de la première, alors qu’ils permettaient de modérer la pression sur la discipline. C’est la moindre diversité des parcours de mathématiques et leur élitisme assumé par le ministère qui sont en partie responsables de la baisse des effectifs et de l’augmentation des inégalités, car ils élèvent des barrages, filtrant en particulier les filles et les élèves qui ne sont pas issus des milieux très favorisés. 27 janvier 2022
5. L’on comptait 17 000 filles qui suivaient la spécialité mathématiques couplée à l’option mathématiques expertes en 2020-2021 ; pour mémoire, en 2015, elles étaient 15 500 en TS à suivre la spécialité mathématiques.
Réponse : oui, mais pourquoi comparer à 2015 ? En 2019-2020, qui est la dernière année de l’ancien système, les filles étaient plus de 20 000 donc bien plus nombreuses qu’en 2020-2021. Cela montre, a priori, que cet enseignement est sujet à fluctuation, ou bien que le nombre de filles était en augmentation. Là encore, il faudrait comparer l’évolution sur plusieurs années pour permettre une analyse. C’est encore une fois un regard élitiste qui est porté sur notre discipline, restreignant les observations à ces élèves déjà engagés dans la spécialité mathématiques en terminale. Ce commentaire s’applique pour les points 2, 3, 4, 5 et 6.
6. En 2021 la part des filles en spécialité mathématiques en 1ère est de 48,1% et en Terminale de 39,8% (soit près de 56 000).
Réponse : oui, mais cette part a diminué considérablement depuis la réforme : elles étaient 53,5% avant en première, et 47,5% en terminale S, dans les 2 cas, il y a une augmentation des inégalités filles/garçons. La comparaison est faite en première avec l’ensemble des filière S, ES et L option maths, puisqu’il n’y a plus qu’un seul enseignement de maths en première. 7.
En 2021, la part des filles dans les options de mathématiques en terminale est la suivante : 62,6% en mathématiques complémentaires (soit 40 500) ; et : 31,4% en mathématiques expertes (soit 17 000). Réponse : Nous ne pouvons pas vérifier ces données qui ne sont pas encore publiées pour 2021-2022. Mais cette affirmation ne démontre rien, puisqu’elle mélange des publics différents qui ne couvrent pas l’ensemble des élèves faisant des maths. On pourrait comparer l’ensemble des élèves suivants des maths en terminale, soit spécialité maths et maths complémentaires en 2020-2021 avec les élèves suivant des maths en terminale en 2019- 2020 (S, ES et option math en L) : on trouverait que dans les classes de mathématiques en terminale la part des filles avant la réforme était de 53% (179 000), et qu’elle n’est plus que de 48% (et 96 000) en 2020- 2021.
8. 45,8% des filles en terminale suivent un enseignement de mathématiques, soit 96 500.
Réponse : oui, mais cela concernait 85% d’entre elles avant la réforme, soit 179 000. La baisse est pratiquement de moitié.
Les sociétés savantes et associations de mathématiques sont conscientes de la difficulté à faire évoluer l’enseignement des mathématiques pour permettre une meilleure formation à l’ensemble des élèves et de la population en général. Elles ont, à plusieurs reprises, tenté d’alerter les politiques sur le sujet et fait des propositions qui pourraient permettre d’améliorer le système actuel. Une réforme d’une telle ampleur ne peut aboutir favorablement sans l’écoute et la prise en compte des propositions de la communauté mathématique. Face aux problèmes de baisse massive de formation et de creusement des inégalités, nous appelons de nouveau à une véritable concertation dans l’intérêt général.
ADIREM, APMEP, ARDM, CFEM, Femmes et Mathématiques, SFdS, SMAI, SMF, UPS