Articles récents \ Monde \ Europe \ Sport Daliborka Nikolic : « depuis 2016 Nova Žena a sa propre équipe de football féminine »

Nova Žena est une association fondée en 2014 en Bosnie-Herzégovine qui, à travers le football, aide les jeunes filles à sortir de la précarité. L’association évolue dans une société profondément machiste où le football est considéré comme un sport exclusivement masculin où les filles n’ont pas leur place, encore moins les filles pauvres. Nova Žena reçoit le soutien du Fonds pour les Femmes en Méditerranée, ou encore de l’Union Européenne. Grâce à ces soutiens, l’association outrepasse les tentatives d’obstruction du gouvernement et de la société et mener à bien leurs actions. Daliborka Nikolic est la responsable de Nova Žena.

Pouvez vous présenter votre association et les services que vous proposez ?

Nova Žena est une association non partisane, non gouvernementale et à but non lucratif qui a été fondée en 2014 en Bosnie-Herzégovine dans le but d’améliorer la position des femmes dans les petites communautés. Pour cela, l’association essaye au maximum d’impliquer ces femmes dans des projets d’autonomisation économique, des projets environnementaux, et surtout des projets sportifs où elles ont connu leur plus grand succès. Depuis 2016 Nova Žena a sa propre équipe de football féminine qui, certes ne participe pas aux championnats de football, mais construit l’égalité sociale, ethnique et des sexes dans la société. Comment font-elles cela ? L’existence même de leur équipe de football dans un environnement très conservateur où prévaut le stéréotype selon lequel le football n’est pas pour les femmes, contribue à l’égalité des sexes. Leur équipe ne fait aucune discrimination et inclue des filles roms venant de milieux défavorisés, mettant ainsi en avant l’égalité ethnique et sociale. Elles utilisent le football comme outil principal car il permet de facilement rassembler un grand nombre de personnes.

Nos actions sont reconnues d’intérêt général et nous coopérons avec les fondations et les organisations de l’Union Européenne qui travaillent à la protection et à la promotion des droits humains. L’un de nos plus grands soutiens est le Fonds pour les Femmes en Méditerranée. Jusqu’à présent, plus de 150 filles sont passées par nos programmes gratuits d’école de football et notre équipe compte aujourd’hui 24 filles de 9 à 15 ans, dont 5 Roms. Toutes ont bénéficié d’entraînements et d’équipements sportifs gratuits. Elles ne participent pas à la ligue de football, mais elles se produisent lors de festivals et de tournois. De plus, elles organisent des événements thématiques axés sur les droits des femmes et sur la cohésion sociale. À partir de l’été 2021, nos actions se sont surtout concentrées sur les très jeunes filles et cela pour deux raisons. La première est que pour le football, et comme pour toute activité sportive, il vaut mieux commencer le plus tôt possible, pendant que l’on est encore jeune. La deuxième est qu’après cinq années d’activités, nous avons réalisé qu’il est très difficile de faire changer les mentalités des filles de 17-20 ans. Après ces âges-là, pour beaucoup de jeunes femmes la société patriarcale est “normale”, voire pire encore, elle serait souhaitable.

Quels sont les effets que vous avez constatés après le début de vos actions ?

Après trois ans d’activité dans le domaine du sport, nous avons remarqué des changements positifs dans le travail d’autres organisations sportives. Suivant notre exemple, ces organisations ont commencé à organiser des entraînements gratuits pour les enfants. Malheureusement, ces projets à court terme ne sont qu’occasionnels. Malgré tout, cela constitue une grande avancée qui nous motive énormément. De plus, nous avons influencé la création de différentes politiques et pratiques sportives dans notre communauté locale et même au-delà de celle-ci. Cette influence est très importante pour nous car précédemment, pratiquer du sport en Bosnie-Herzégovine était réservé aux enfants de parents riches.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

Dès le début, Nova Žena a rencontré de nombreuses difficultés et obstructions dans notre travail, tant de la part du gouvernement local que des clubs de football masculin locaux. Aujourd’hui encore, 5 ans plus tard, nous n’avons toujours pas leur soutien. Pourtant, nous sommes la seule association à avoir reçu le soutien d’organisations telles que la délégation de l’Union Européenne ou encore l’ambassade d’Allemagne. Pour des raisons que nous peinons à comprendre leur attitude à notre égard va de l’ignorance totale à la discrimination ouverte. Les clubs de football masculin qui possèdent des stades de football ne nous autorisent pas à nous entraîner sur ces terrains, et les rares fois où ils le font, nous devons payer un prix cinq à six fois supérieur au prix du marché. De plus, quels que soient l’idée et le projet que nous avons, nous ne recevons qu’un soutien de 1500 euros par an de la part du gouvernement local, et la télévision locale censure depuis des années toute communication pour notre association. Ainsi, peu de gens savent que les entraînements et les équipements sont gratuits pour toutes les filles. Les autres organismes compétents de Bosnie-Herzégovine, tels que des ministères ou l’association de football nationale, ne leur offrent pas non plus leur soutien.

Néanmoins, de bonnes et nobles idées ne peuvent être ignorées, même dans de telles conditions d’obstruction et de corruption systémiques. Aujourd’hui nous sommes plus fortes que jamais grâce au soutien de nombreuses organisations internationales.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?

Nous avons beaucoup de projets et, même si nous savons qu’il est probable que beaucoup d’entre-eux ne se réalisent pas à cause des obstacles mentionnés, nous restons persuadées que ce n’est qu’une question de temps. Nous sont convaincues que si nous n’étions pas entravées de la sorte, nous pourrions développer le football féminin dans des ligues officielles à des hauteurs inimaginables il n’y a même pas cinq ans.  Malheureusement, le  pays tout entier est gangréné par le crime et la corruption. Par conséquent, nos plans concernent presque exclusivement le développement des droits des femmes au niveau local.

Par conséquent, au cours des prochaines années, nous voulons centrer leur travail sur de très jeunes filles, afin d’en faire de solides leaders qui seront de véritables artisanes du changement. Il s’agira délibérément de filles issues de minorités ethniques et de familles socialement menacées. En aidant les plus précaires, Nova Žena souhaite montrer aux jeunes filles qu’il ne faut pas abandonner et qu’il faut se battre pour leurs droits et leurs rêves.

Propos recueillis et traduits par Célia Rabot 50-50 Magazine

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