Articles récents \ Culture \ Livres L’érotisme dans l’art

Avec 340 pages, riches en découvertes et informations, Laurence Dionigi nous retrace toute l’histoire de l’art de la préhistoire jusqu’à aujourd’hui en rendant hommage aux Vénus. Qu’elles soient actives ou passives, les femmes ont joué un rôle majeur dans l’art érotique car  « historiquement le corps féminin nu ou habillé a été un sujet central dans le monde de l’art à travers toutes les cultures ». Découvrez, dans ce livre passionnant, comment les femmes ont finalement réussi à s’imposer en exprimant leur art à travers le cinéma, la littérature, la peinture, les sculptures … ou encore les réseaux sociaux, sans l’influence du regard masculin.

Le corps des femmes a toujours suscité de la fascination. A la préhistoire, au début de l’ère paléolithique, on a retrouvé des corps nus sous forme de statuettes représentant essentiellement le corps de femmes.

Au cours de ces différentes périodes, en Mésopotamie, à Rome, en Égypte antique, en Grèce, le statut des femmes diffère selon la société, leur condition évolue légèrement lorsqu’elles font parties de la bourgeoisie. Les cultes du phallus, liés aux déesses ou dieux de la sexualité ou encore la prostitution sacrée étaient très prononcés. Quant à la représentation de l’art érotique, elle reste mineure, sauf le papyrus érotique de Turin qui montre des scènes sexuelles.

C’est entre le XIV et XV ème siècle, que l’art s’étend dans toute l’Europe. Il y a un retour à l’Antiquité considéré comme un âge d’or. C’est ici qu’intervient le mouvement Quattrocento, de l’art inspiré par le divin. En effet, de plus en plus de peintres créent des œuvres suscitant le désir physique. Ils peignent le corps de femmes en y mêlant des allégories ou des thèmes religieux ou de l’amour tout en faisant attention à l’église. Les Florentins furent les premiers peintres à réintroduire le nu sous formes d’allégorie avec des personnages de la mythologie biblique ou antique. Ainsi, des artistes ont essayé de représenter des actes sexuels ou la sexualisation de personnages bibliques qui furent détruite par l’inquisition et l’église. C’est le cas de Giulio Romano et Marcantonio Raimondi, ce qui donna la naissance de l’art érotique.

Malgré la censure de l’église, des gravures érotiques sont commandées et circulent dans toute l’Europe.

La posture des femmes change avec la renaissance puisque les peintres de cette époque voient en celles-ci, des tentatrices, des déesses inaccessibles… Il est important de souligner que le corps des hommes ne restait pas en marge de cette reprise.

Les peintres de cette génération veulent apporter leur touche avec des paysages, des jeux de lumière, du réel, des décors de la vie quotidienne et des personnages plus expressifs mais ne rompent pas avec les allégories, les émotions de la renaissance et les thèmes bibliques.

Au début du XIX ème siècle en Europe, de nouvelles lois sont mises en place mais la situation des femmes n’évolue pas énormément. Elles restent toujours infériorisées et sous la tutelle de leur mari. L’éducation commence à se populariser aussi bien chez les filles que les garçons même si dans la troisième république, les jeunes filles ne sont toujours pas autorisées à passer le baccalauréat. De plus en plus, des revendications féministes commencent à se faire entendre.

Le monde artistique est régulé par des académies et enfin considéré comme un véritable travail intellectuel. Plusieurs courants artistiques tels que le romantisme le symbolisme le réalisme, l’Impressionnisme … pour ne citer que ceux-là, apparaissent. Le métier d’artiste est désormais valorisé, elle/il travaille pour elle/lui-même et vend ses œuvres.

Les impressionnistes proposaient des nus sans artifice. Hélène Bertaux, créatrice de l’union des femmes peintres et sculpteurs, fut la première à oser exposer un nu masculin très pudique contrairement à ses homologues masculins. Ce siècle est marqué par la volonté d’exister en tant qu’individu, on assiste à la naissance du féminisme et l’invention du corset gorge qui marque la libération du corps. Il y a également une multitude de courants artistiques qui émergent.

Un peu plus tard, les femmes sont enfin acceptées dans les beaux-arts de Paris et la période des années folles leur permettra de s’exprimer et notamment dans l’art. C’est le cas de Romaine Brooks qui ne peindra que des femmes lesbiennes ou qui assument leur orientation sexuelle. Une nouvelle génération d’artistes transforme les concepts traditionnels de l’esthétique en plaçant l’art au-delà de la recherche du beau mais en incluant l’artiste, la spectatrice/le spectateur de l’œuvre et l’œuvre elle-même. L’art devient donc un acte de communication.

Des artistes masculins osent des œuvres mettant en exergue la beauté du corps masculin, c’est le cas d’Henri Léon Gerber. Parallèlement à ces courants se développe le mouvement cubisme avec Picasso, Braque, Leger.

Le courant des surréalistes est le mouvement artistique qui a le plus célébré les femmes que ce soit dans la poésie, la musique mais celles-ci ne sont jamais mises au centre en tant que créatrices ou actrices, elles restent à leur place d’objet qui fascine homme. Elles sont donc passives et dépendantes des fantasmes masculins.

Après la seconde guerre mondiale, les sociétés occidentales connaissent un essor économique et les 30 glorieuses y contribuent aussi. En quelques décennies, on passe à une société moderne, l’individu décide par lui-même avec la libération sexuelle, surtout celle des femmes, le corps est au centre de toutes les représentations artistiques.

Lorsque la censure disparait dans l’art en 1960, les artistes s’en donnent à cœur joie et représentent à foison dans leurs œuvres des organes sexuels dans leur détail. On assiste à l’âge d’or du cinéma hollywoodien avec des actrices qui incarnent des femmes fatales libres fougues et rebelles.

L’ouvrage Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir est critiqué lors de sa publication, de nombreuses autrices engagées comme Benoite Groult ou Annie Lecler proposent des statuts sur le rôle des femmes. En revanche, le film érotique Emmanuelle totalise 45 millions de spectatrices/spectateurs dans le monde.

Au milieu du XX ème siècle, l’art élitiste et fermé, bascule dans la culture de masse à l’image de la société de consommation. Les références changent, elles ne sont plus religieuses ou antiques, le public devient universel et non sélectif. L’art contemporain se veut fragile, donc différent de la notion d’éternité auquel il a toujours été assimilé.

De nombreuses vagues artistiques se succèdent souhaitant redéfinir même l’art. Il s’agit du pop art (inspiré de la société de consommation, de la presse à scandale), du land art, du body art, de l’art numérique, du body positive (acceptation du corps) etc. Le corps et sa libération sont devenus des manifestations fréquentes, des supports de performance. Des femmes artistes s’affirment telles que Louise Bourgeois, Niki de Saint Phalle, Orlan, Marina, Penny Slinger montrant l’art différemment et souhaitant reprendre la place qui leur a été souvent arrachée. Valie Export, l’une des pionnières de l’art médiatique ou cinéma tactile dénonce dans ses œuvres la femme objet et aborde la notion de consentement. Féministe, elle se révolte contre la société patriarcale. Plusieurs artistes femmes suivent le mouvement.

Au début des années 2000, l’art contemporain est dominé par la photo, la vidéo, et la retouche numérique. L’illustration et la bande dessinée connaissent aussi un essor considérable à cette période. L’art s’installe, s’invite dans notre quotidien et devient un moyen d’expression et de communication. Les musées et les fondations accueillent des œuvres d’art. Avec les nouvelles technologies, l’art holographique virtuel ou robotique fait son entrée. La plasticienne féministe Orlan crée un androïde sexy.

En 2013, une pétition lancée contre le tableau de Balthus qui avait une manière perverse de peindre les jeunes filles installées au Museum of art de New York n’a pas aboutie car « Historiquement le corps féminin nu ou habillé a été un sujet central dans le monde de l’art à travers toutes les cultures ».

L’art érotique s’impose dans les rues, les parcs, avec des photos, des peintures ou des sculptures : Tree de Maccarthy en 2014, Le clitoris soufflé de Laurence Dufay en 2017, etc.

Le mouvement Metoo a libéré la parole et les revendications féministes. Même si les femmes ne sont pas autant représentées dans les musées, on assiste a un érotisme 100 % féminin, projection du désir des femme exprimé par des femmes, sans l’influence du regard masculin. C’est le cas de l’artiste Ana Uru qui fait de l’érotico-pop pour défendre une égalité des sexes.

Aujourd’hui, les femmes revendiquent leur sexualité. Internet et les réseaux sociaux ont permis de véhiculer et de démocratiser l’art au féminin sur tous types de supports.

Alexandra Koffi 50-50 Magazine

Laurence Dionigi L’érotisme dans l’art. Hommage aux Vénus de l’histoire Ed. Ovadia  2020

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