Articles récents \ DÉBATS \ Témoignages SafeShelter : la protection des enfants victimes de violences familiales

Stéphane Punel est formatrice conférencière sur les violences sexistes et sexuelles. Initialement travailleuse sociale au sein d’une association spécialisée dans la prise en charge des femmes et des enfants victimes de violences conjugales, elle occupe par la suite un poste de cheffe de projet en formation sur ces mêmes thématiques. Il y a un an, elle crée son propre cabinet, Osilience, qui vise à « former, informer, conseiller pour un meilleur repérage et accompagnement des victimes » de violences conjugales. Elle rencontre Natacha Henry et Marc Nectoux, puis s’engage avec elle/lui en tant qu’experte indépendante au sein de Psytel, une « coopérative d’experts indépendants travaillant dans le domaine des systèmes d’information de santé et dans le domaine de la prévention des violences faites aux enfants, aux adolescents et aux femmes. »

Le projet SafeShelter

Ce projet européen co-financé œuvre pour les enfants victimes de violences familiales et hébergés avec leurs mères dans des structures d’accueil. Il vise à assurer l’élaboration et la mise en œuvre de lignes directrices sur la protection des enfants, pensées spécifiquement pour ceux reçus dans ces organismes de refuges pour femmes. SafeShelter réunit cinq pays européens, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, et la France, qui travaillent avec les mêmes questionnements sur cette thématique. La première phase du projet consistait à l’entretient avec les personnes présentes dans les structures d’accueil de chaque pays : au total, ce sont 41 enfants, 60 mères et 89 professionnel.les qui ont pu être interviewé.es. Les résultats sont mis en commun avec les partenaires européens. Le but est alors « d’outiller les professionnel.les qui travaillent avec ce public là, par rapport à la prise en charge des enfants, et leur protection ». Le guide est créé, sous forme de manuel organisé en chapitres, avec des vidéos de formation. Stéphane Punel a considérablement travaillé sur la question de la formation de ces professionnel.les : en France, elle a formé près de 300 personnes. Pour ces dernier.es, la protection des enfants est une thématique centrale, mais peinent parfois à composer avec les normes existantes : il y a la nécessité que ces enfants, une fois accueillis, puissent passer des entretiens individuels, au même titre que la mère. Faute de temps, et faute de moyens, l’accompagnement était donc généralement globalisé avec celui du parent. Beaucoup de structures avaient alors du mal à pouvoir ne serait-ce qu’obtenir un.e référent.e pour chaque enfant. Pourtant, c’est d’un accompagnement « spécifique et individualisé » dont ils ont besoin.

Des nouvelles lois ont été promulguées en faveur de la protection de l’enfance : il y avait auprès de la population formée le besoin d’un rappel, remarque Stéphane Punel, d’un temps dédié pour réfléchir sur les pratiques professionnelles existantes et s’adapter aux nouvelles. SafeShelter se concentre donc sur la rencontre avec les professionnel.les : c’est une formation gratuite, ce qui facilite sa diffusion. Le budget ne vient pas de la France, mais est co-financé par le programme Droit Égalité Citoyenneté de l’Union européenne, permettant ainsi la création du guide, des vidéos, et la constitution d’une formation d’une demi-journée. « Le but est que le guide soit diffusé le plus possible au niveau de l’Europe, pour que les professionnel.les prennent connaissance du caractère indispensable de la protection en interne et en externe des enfants dans leur structure » : une meilleure connaissance des lois de protection de l’enfance en France, y comprit dans un contexte de violences conjugales, est nécessaire pour améliorer la prise en charge. Au-delà du manque de moyens, la difficulté de composer avec les lois préexistantes entravait la sécurité de l’enfant : Stéphane Punel cite l’obligation parfois d’une visite au père, ou encore en interne, la présence d’agresseurs ou d’agresseuses au sein même de l’organisme d’accueil.

Des progrès en vue

Il demeure un important décalage entre ce que la loi doit permettre et comment elle est appliquée. Stéphane Punel est optimiste : elle évoque une « énorme avancée » sur le terrain, celle de reconnaître que les enfants sont des victimes à part entière, et non pas collatérales. « Il a fallu du temps pour les victimes adultes, c’est cette même prise de conscience qui aboutit maintenant. Il y a besoin qu’on réfléchisse ensemble sur comment sécuriser les enfants, et il y a du positif. Le plus important pour moi, c’est que la formation circule, ça fait plus de dix ans que je travaille dessus. ». Il faut ainsi former, informer, diffuser SafeShelter au sein d’un public élargi. « C’est un beau projet, un des outils développés qui peut vraiment aider les professionnel.les, et il faut maintenant qu’ils puissent s’en saisir, qu’ils savent que ça existe ». Le guide propose notamment un autotest de sa connaissance des pratiques institutionnelles. Le plan de mise en œuvre de la politique de protection des enfants doit permettre d’aider les institutions à tenir un agenda au niveau des pratiques qui conviennent : il y a parfois un besoin de formaliser les choses pour les faire connaître par tout le monde au sein même des institutions.

Témoignage recueilli par Thelma de Saint Albin 50-50 Magazine

 

 

 

print