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Louis Guinamard, vers une paternité féministe

Louis Guinamard est papa de quatre garçons de 8 ans, 6 ans, 3 ans et 3 mois. Les sujets de droits humains – et de droits des femmes en particulier – sont au cœur de son parcours professionnel et personnel. Aujourd’hui, il s’interroge sur les modalités à encourager pour avancer vers une paternité plus féministe.

Depuis presque 20 ans, comme journaliste d’abord, puis comme chargé de communication, je me suis d’abord spécialisé sur des sujets relatifs aux droits humains. Puis, les sujets sur les droits des femmes ont pris de plus en plus d’importance. J’ai d’abord travaillé sur la thématique du viol en situation de guerre au Congo RDC , puis j’ai participé au lancement de la mobilisation Excision, parlons-en ! et      lancé, avec Géraldine Franck, la campagne Droits humains pour tou·tes.

Désormais, je suis chargé de communication pour l’association féministe Equipop qui travaille sur la thématique des droits et de la santé des femmes et des filles dans le monde. Ce travail compte beaucoup pour moi car il est en adéquation avec mes aspirations personnelles, parce qu’il consiste notamment à mettre en valeur les actions des féministes en France, en Afrique de l’Ouest et dans le monde, mais aussi parce que dans cet environnement de travail, les enjeux et contraintes liées à la parentalité sont tout à fait entendues. Mes collègues comprennent par exemple que je ne sois pas au mieux de ma forme quand je m’occupe d’un enfant de trois mois. Elles/ils comprennent les imprévus familiaux qui parfois s’enchaînent et m’oblige à réviser mon emploi du temps. Cette souplesse professionnelle a une incidence très positive sur la vie familiale en atténuant les tensions et sur l’idée que je me fais de la paternité ; je suis ainsi mobilisable et disponible, tout comme ma conjointe, pour participer à la vie familiale.

Congé paternité prolongé

Pour la naissance de notre dernier enfant, à l’automne 2022, j’ai pu bénéficier du congé paternité prolongé. C’est une réelle avancée sociale qui permet d’épanouir sa paternité dans une autre direction que le patriarcat.

Pour mes quatre enfants, j’ai connu des congés paternité différents. A la naissance du premier, je travaillais en indépendant. Je pouvais moduler mon emploi du temps sans avoir de comptes à rendre à personne. Mais gros inconvénients : je n’ai pas pu réellement m’arrêter et je n’ai eu droit à aucune indemnité. Mais c’était le premier et nous étions survolté·es. A la naissance du deuxième, nous vivions en Suisse et je n’ai eu que trois jours de congés paternité. Heureusement, j’étais à mi-temps, ce qui m’a permis d’être relativement présent auprès de ma conjointe et de mes enfants. De retour en France, pour le troisième né en 2019, j’ai eu un congé de 11 jours. Mais il s’agissait de 11 jours à la suite, donc en réalité, une grosse semaine. Qui peut croire qu’on peut reprendre ses esprits et retourner travailler 11 jours après la naissance d’un enfant ! C’était hypocrite, voire dangereux. Avec ces 11 jours, il était difficile de caler un rythme pour seconder ma conjointe durant les premières semaines après la naissance.

Pour le quatrième, enfin, j’ai eu droit à 25 jours de congé paternité que l’on pouvait scinder. Presque un mois ! Grâce à cette disponibilité, j’ai pu assurer la rentrée des classes des autres garçons. Ma conjointe bien évidemment a été fatiguée après cette quatrième naissance. Mais grâce à cette période prolongée, j’étais moins épuisé et je pouvais m’occuper des trois autres. Avec un bébé c’est incomparable, incroyable de passer ses premières journées avec lui, disponible, pas trop épuisé en assumant la logistique, en évitant que sa conjointe ait tout à faire. Le père est enfin présent pour jouer son rôle.

Ce congé prolongé permet de souligner la façon dont la société regarde le travail et notamment le travail des hommes. J’ai la chance de travailler dans une association féministe où je me sens à l’aise pour prendre tous mes congés paternité. Mes collègues font tout pour faciliter mes prises de congés, c’est une chance incroyable. Je vois des personnes qui n’oseraient pas prendre de congés paternité ou qui en prenaient peu étant donné leur contexte professionnel. Leur entourage ne les incite pas à s’installer dans ce rôle de père. Il faut prendre du temps pour élever des enfants, comprendre ce qu’il faut faire. Des personnes se sont battues pour le congé paternité et c’est l’occasion de dire le bienfait de cette mesure et de souligner que ça change vraiment la vie familiale.

Je me demande simplement pourquoi nous ne sommes pas passés à quatre mois de congés paternité ? Ce sera la prochaine étape !

Charge mentale au quotidien

Un autre point pour avancer vers la paternité positive est évidemment la répartition de la charge mentale du quotidien ? Il faudrait demander à ma conjointe si elle estime que cette charge est équitablement répartie à la maison. Mais je crois que mes enfants seront surpris lorsqu’ils découvriront que dans la moyenne nationale les femmes font largement plus le ménage dans le foyer. A la maison, ils peuvent voir que chacun·e prend sa part pour les repas, le linge, le ménage, le suivi de la scolarité. C’est vrai qu’il y a toujours une répartition plus classique pour certaines activités : c’est surtout moi qui fais le bricolage et ma conjointe s’occupe davantage des démarches administratives.

Pour être disponibles pour les enfants, nous avons également fait le choix depuis plusieurs années de travailler à 80 % et nous ne le regrettons ni l’une ni l’autre. Pour la naissance du quatrième, ma conjointe a enchaîné son congé maternité avec un congé parental. Pas question pour autant de considérer que la charge des enfants lui revient intégralement, je continue de travailler à 80 % et le télétravail nous aide également pour être plus disponible pour récupérer les enfants en fin de journée. En réduisant le problème de transport nous gagnons énormément de temps et d’énergie pour toute la famille.

Contraception masculine

Quand nous avons appris la quatrième grossesse, si nous étions ravi·es, nous nous sommes aussi dit que c’était suffisant. Nous avions quatre enfants, j’ai 45 ans, et la vasectomie était une option très valable. La vasectomie n’est pas pour tou·tes une solution évidente mais elle nous a paru logique, notamment parce que je travaille dans un milieu féministe et que j’avais les informations pour envisager cette option.

Je ne prêche pas pour la vasectomie, mais pour la visibilisation des différentes méthodes de contraception. Il y a plusieurs méthodes de contraception féminine – pilule, stérilet…- et de contraception masculine : slips chauffants, vasectomie. Malheureusement, toujours pas de pilule masculine dans le commerce. L’important est que chacun·e puisse accéder à la formule de contraception qui lui convient, selon son parcours, son âge, son identité de genre, son histoire, les circonstances… C’est la variété et la disponibilité des solutions qui permet de trouver une contraception harmonieuse. Pour moi, avec 4 enfants et passé 45 ans, il était relativement évident, pour moi et pour ma conjointe, d’avoir recours à la vasectomie. Nous sommes tou·tes les deux gagnant·es. La charge de la contraception, qui reposait avant essentiellement sur ma conjointe, ne repose plus sur personne. Bien entendu, pour nous, cette formule n’était pas la bonne quelques années auparavant.

Cette intervention chirurgicale n’a quasiment que des avantages. Elle est prise en charge à 100 % et est fiable à 98 %. Elle a été sans conséquence sur ma libido, sur mes érections et éjaculations (deux grandes questions/inquiétudes classiques).

Je vois toutefois deux inconvénients à la vasectomie. Le premier est mineur : l’opération est un peu plus douloureuse que ce qu’on m’avait initialement présenté. On me parlait d’une intervention de 15 minutes. L’intervention, qui s’est déroulée au Kremlin Bicêtre, a duré une petite heure avec une anesthésie locale, que j’ai préféré à l’anesthésie générale. Ca n’est pas très confortable d’avoir entre ses jambes, les regards de quatre ou cinq personnes qui sont en train de trifouiller autour de son sexe sans que l’on sache ce qui se passe. Il y a quelques douleurs assez intenses. Mais en réalité, j’avais travaillé le matin avant l’opération et dès la fin de l’après-midi j’ai pu retourner travailler. Je n’avais eu besoin que de quelques rendez-vous en amont de l’intervention. Ca m’a paru beaucoup, mais c’est sans commune mesure avec ce que les femmes connaissent lors d’un accouchement ou même de leur suivi gynécologique. Sauf en cas de problème sérieux, les hommes ne consultent généralement pas pour leur santé sexuelle et n’ont aucun suivi régulier. L’autre inconvénient, qui mérite davantage de réflexion personnelle, est que l’opération est présentée comme irréversible. C’est la raison pour laquelle quatre mois doivent s’écouler entre le rendez-vous initial avec une médecin et l’opération.

Désormais, je trouve important d’en parler autour de moi. J’ai fait cette vasectomie en juin dernier juste avant la naissance du quatrième et, depuis, plusieurs personnes m’ont demandé des détails sur l’opération, en général des hommes de plus de 35 ans qui ont déjà eu des enfants. Il y a encore un travail de démystification important à mener. Même si c’est de moins en moins le cas, la vasectomie reste associée à la castration, la perte de libido, la démasculinisation. En parler librement permet de contrer l’image très négative de cette méthode de contraception. Dès que je peux, je place le mot vasectomie. Par exemple, beaucoup de gens me posent la question : « alors le cinquième c’est pour quand ? »  Je réponds : « il n’y aura pas de cinquième, j’ai fait une vasectomie » C’est important pour moi de placer rapidement le mot vasectomie pour qu’il soit entendu et se banalise.

La vasectomie est une option de contraception valable, un moyen pour se répartir autrement la charge de la contraception. Le fait d’en parler joue un rôle sur le chemin de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Témoignage recueilli par Caroline Flepp 50-50 Magazine

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