Articles récents \ Culture \ Livres La littérature Jeunesse versus féministe

La littérature jeunesse est apparue à la fin du 17e siècle et avait pour objectif principal d’instruire par une morale. Marie-Catherine d’Aulnoy (1651–1705) serait à l’origine des contes merveilleux avec la publication du Nain jaune ou Le pigeon et la colombe. Jeanne-Marie Leprince de Beaumont (1711–1776) fut la première autrice à écrire des contes destinés uniquement aux enfants avec La belle et la bête. La nièce de Charles Perrault, Marie-Jeanne L’Héritier de Villandon, se lança sur des histoires traitant de fées.

Au 19e siècle, la société française se modernise et se transforme. En 1882, l’école devient obligatoire pour tou·tes. Les écoles se multiplient et des livres sont offerts aux meilleur·es élèves en guise de prix. Un nouveau marché se développe avec les établissements scolaires et les bibliothèques. De plus en plus de femmes se lancent dans l’écriture. Elles proposent des héros et héroïnes qui peignent la condition de l’enfant à son époque, dénoncent la misère, l’exploitation et la maltraitance et défendent certaines conceptions de l’éducation. La Comtesse de Ségur rencontre un franc succès à plus de cinquante ans avec ses premiers livres destinés à ses petits-enfants. Les malheurs de Sophie, Un bon petit diable, Jean qui rit-Jean qui grogne sortent chez l’éditeur Louis Hachette qui lance la Bibliothèque Rose. Zénaïde-Marie-Anne Fleuriot (1829-1890) publia plus de 80 romans destinés aux jeunes filles sous le nom de plume Anna Edianez. George Sand, de son vrai nom Aurore Dupin, écrira de nombreux ouvrages, dont La petite fadette ou La mare au diable illustrés de quelques gravures.

Peu à peu, l’image devient plus prépondérante. Le journal de la jeunesse, destiné aux enfants fortuné·es entre dix et quinze ans, est lancé par Hachette et propose des articles pédagogiques et des histoires. Après la première guerre mondiale, les illustrations deviennent de plus en plus importantes. L’idée d’un apprentissage adapté à l’âge émerge : en 1931 arrivent les albums du Père Castor pour les trois à six ans, écrits par l’autrice Lida Durkidova. Babar de Cécile de Brunhoff est vendu à 4 millions d’exemplaires la même année.

Hachette lance ensuite la collection de la Bibliothèque Verte. Après les années 1950, les écoles maternelles se multiplient, avec des livres pour les tout·es-petit·es. La série des Oui-Oui de la romancière Enid Blyton, traduite en français, ainsi que le Club des cinq ou le Clan des sept font un tabac avec des histoires à suspense.

Dans les années 1970, les livres deviennent moins conventionnels. L’enfant apprend à se poser des questions. Des sujets sont abordés sans tabous pour les adolescent·es comme la mort, l’autorité parentale, le divorce, la sexualité ou les drogues. Certains ouvrages comme L’herbe bleue de l’américaine Beatrice Sparks (1971) ou Moi, Christiane F, droguée, prostituée de Christiane Felscherinow sont étudiés au collège dans les années 1980. La littérature jeunesse devient alors un enjeu économique de plus en plus important pour les maisons d’édition. Des salons et des foires sont créés et des prix décernés. Des adaptations cinématographiques sont réalisées ainsi que des dessins animés.

En 1997, la série transgénérationnelle des Harry Potter de Joanne Rowling devient un véritable phénomène de société. Portés à l’écran avec des effets technologiques extraordinaires, ces huit romans fantastiques réunissent enfants et adultes. La littérature fantastique revient en force avec des dragons, vampires, gardien·nes de cités perdues en tout genre avec la vente de produits dérivés. Les Chevaliers d’émeraude d’Anne Robillard, les Chroniques du monde émergé de Licia Troisi ou La Trilogie d’Axis de Sara Douglass connaissent un grand succès dans les années 2000. Cette tendance s’accentue avec la série de romances vampiriques de Stephenie Meyer, Twilight.

Aujourd’hui, les livres jeunesse abondent avec des thèmes sociétaux abordés dès le plus jeune âge comme la pauvreté, les premiers émois, mais aussi l’homophobie, l’homoparentalité, le suicide, le handicap, le harcèlement, les méfaits de la télé-réalité, la dictature de la beauté, le deuil, le genre ou l’égalité femmes-hommes. Sur ce dernier registre, on voit fleurir depuis le mouvement #MeToo une littérature jeunesse féministe. Les princesses combattent les dragons et fuient le baiser du prince charmant. Des modèles de femmes puissantes et déterminées sont proposés aux petites filles comme aux petits garçons. Les ouvrages Histoires du soir pour filles rebelles ou Histoires pour garçons qui veulent changer le monde offrent une autre lecture sans stéréotypes de genre avec l’avertissement suivant destiné aux parents. Vous ne trouverez ni super-héros, ni princesses en détresse dans ces livres. De quoi repenser l’éducation que nous souhaitons offrir à nos enfants !

Laurence Dionigi 50-50 Magazine

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