Articles récents \ Monde \ Europe Véronica Lupu : « Les femmes Moldaves qui sont victimes de trafic ne parlent pas car elles ont peur »

veronica

Véronica Lupu est une juriste féministe Moldave. Elle travaille dans une association de femmes juristes pour défendre les droits des femmes et soutenir les victimes de crimes très variés, notamment le trafic humain. En voyage à Paris pour créer des connexions avec les associations féministes françaises, elle livre son témoignage sur la situation actuelle en Moldavie et sur son travail. 

Quelle est la situation de la Moldavie concernant les trafics ?

Selon nos activités, mais aussi selon les rapports d’organisations internationales  le trafic augmente dans notre pays. Beaucoup de personnes en sont victimes, et peu importe leur âge. Il peut y avoir des enfants, des femmes, des vieilles personnes… Il y plusieurs de sortes de trafics. Par exemple, pour le travail, il y a  des enfants qu’on force à mendier dans des pays européens plus riches, ou encore à réaliser des actes criminels. Il faut aussi reconnaitre la connexion entre prostitution et trafic. Malheureusement l’inventivité est assez grande dans ce domaine. 

Y’à t’il des lois pour empêcher le trafic d’êtres humains en Moldavie ? 

En 2000, nous avons eu le premier article de loi pour combattre le trafic et pour protéger les personnes victimes. Mais cette législation ne fonctionne pas pour de nombreuses raisons. Le trafic continue et empire même…

Pourquoi expliquer qu’il y ait autant de trafics ? 

Les trafiquants profitent de la pauvreté de la Moldavie. La Moldavie est un pays sous-développé. Ainsi, la corruption dans l’État et la pauvreté poussent les jeunes femmes et d’autres personnes à aller travailler ailleurs et puis après, elles sont victimes de trafiquants. En Moldavie la situation est très confortable pour les trafiquants. 

Comment faire pour aider les victimes ? 

Dès 1999, de l’aide à été apportée aux femmes qui venaient des pays post-soviétiques comme l’Ukraine, la Russie,.. et qui étaient exploitées en Moldavie. 

Il est nécessaire d’identifier qui est victime et de leur permettre de parler. C’est un réel problème car les victimes de trafic ne sont plus en Moldavie. Nous cherchons des partenaires dans d’autres pays afin de faire des connexions et offrir aux victimes un support juridique dans le pays ou elles sont exploitées.

Il y a beaucoup d’associations qui ont des programmes de réhabilitation mais le problème c’est que les femmes Moldaves qui sont victimes de trafic ne parlent pas car elles ont peur.

Il faut dire aux victimes qu’elles ont des droits, qu’il y a des programmes pour les aider. Il faut pouvoir leur donner une aide juridique et pouvoir les protéger. 

La police est-elle formée aux questions de trafic ? 

L’année dernière, nous avons créé une structure de formation pour la police. Nous avons organisé beaucoup de formations pour que les forces de l’ordre puissent accueillir le mieux possible les victimes.

Qu’en est-il de la question de l’avortement en Moldavie ? 

L’avortement n’est pas prohibé. Il n’y a pas de problème avec cette question. Les femmes peuvent avoir une aide et aller à l’ hôpital. Les femmes ont le droit d’avorter.

Qu’en est-il des féminicides ? 

Il y a beaucoup de femmes qui sont tuées. Les chiffres de l’année dernière ont augmenté. Il y a surtout  beaucoup de violences domestiques et qui s’amplifient…

Il est difficile de donner un chiffre car des femmes meurent du trafic mais on ne les retrouve pas. Elles sont envoyées loin de la Moldavie dans des pays Européens. Beaucoup de victimes ont perdu la vie dans ce processus… 

Y’à t’il beaucoup d’associations féministes en Moldavie ? 

On dit qu’il y’en a beaucoup, mais sont-elles réellement très actives ? 46 associations sont enregistrées sur la plateforme Gender Equality mais seulement 12 travaillent réellement. 

En effet, il n’y a aucun soutien de l’Etat et c’est très difficile d’avoir de l’argent. Seules 2% des associations sont financées. Cela s’explique par les salaires très très bas, la Moldavie est le pays le plus pauvre d’Europe ! Mon association n’a même pas demandé une subvention à l’Etat mais plutôt à des Fondations diverses et à l’Europe. 

La Moldavie a-t-elle la parité en politique ? Y a t’il  des femmes politiques à l’Assemblée ? 

Après plus de 20 années de lutte, nous avons une bonne situation en Moldavie. Il y a plus de 42% de femmes à l’assemblée. Notre présidente est une femme ainsi que notre première ministre. Au Parlement, nous avons un grand pourcentage de femmes. Bien sûr, nous avons des débats, des confrontations avec des hommes qui n’en sont pas ravis. Les partis politiques sont créés par les hommes, parce qu’ils ont de l’argent, et ce sont eux qui décident qui vont en être membres. Parfois, ils choisissent des femmes qui feront ce qu’ils veulent. 

Aujourd’hui, nous avons une loi qui oblige les partis politiques à avoir 40 % de femmes membres. Les partis politiques reçoivent de l’argent s’ils promeuvent les femmes et sont pénalisés s’ils ne le font pas. Cela permet de pousser les femmes à s’engager en politique. Certains leaders de partis expliquent qu’ils n’ont pas de femmes car ils n’en trouvent pas. Donc c’est important de soutenir les femmes qui souhaitent s’engager dans cette voie. Quelquefois, c’est difficile pour les femmes d’être en compétition avec les hommes. Elles vivent parfois des agressions. Il faut former les femmes à se battre et à réagir à ces agressions qu’elles peuvent subir de la part des hommes dans les partis politiques. Il y a des élections en septembre et je pense que les femmes sont prêtes maintenant pour se bagarrer et avoir vraiment leur place.

Propos recueillis par Camille Goasduff 50-50 Magazine 

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