Brèves Plan Rouge Vif : L’urgence de juridictions spécialisées pour les victimes de violences conjugales

Les députées Emilie Chandler et Dominique Verien ont présenté au Gouvernement ce lundi 22 Mai leur rapport intitulé « Plan Rouge Vif : améliorer le traitement judiciaire des violences familiales ». Dans le contexte d’une augmentation de plus de 60% des plaintes pour violences conjugales depuis #Metoo et après le vote, en décembre dernier, par l’Assemblée nationale de la proposition de loi d’Aurélien Pradié visant la création de juridictions spécialisées, ce rapport est une réponse décevante aux attentes et urgences des femmes victimes et des associations de lutte contre les violences conjugales. 

Le rapport parlementaire confié par la Première Ministre, attendu depuis 7 mois, dresse un constat éclairant des dysfonctionnements actuels de la prise en charge judiciaire des victimes et reprend les nombreuses revendications des associations insatisfaites depuis le Grenelle des violences faites aux femmes. Le rapport étaye des mesures essentielles et connues en matière de prévention, de formation et de sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles, et propose par exemple un nouvel outil pour une éviction en 24h du conjoint violent. Il prend par ailleurs en compte la nécessaire protection des enfants et s’interroge notamment sur les limites à apporter à l’autorité parentale des auteurs de violences. Mais ce rapport est une occasion manquée d’envisager l’ensemble des violences masculines et notamment les violences post-séparation et de leurs traductions judiciaires par les ex-conjoints à l’égard des mères (supposé « syndrome d’aliénation parentale » ou utilisation abusive du délit de non représentation d’enfants).

Néanmoins le rapport demeure timoré en matière d’organisation de la justice en France, les propositions des parlementaires sont insuffisantes a l’instar de la création de ces « pôles » spécialisés chargés de coordination dans les tribunaux, qui existent déjà dans beaucoup de juridictions dynamiques (Nantes, Poitiers…). La création de « juridictions » spécialisées, sur un modèle espagnol plébiscité, est rejetée car vue comme un risque potentiel vis-à-vis de moyens insuffisants, tandis qu’il propose un renforcement des moyens du parquet sur ces thématiques. Ce rapport confond ainsi les causes et les conséquences d’un problème persistant : l’incapacité de l’Etat à doter la lutte contre les violences faites aux femmes de moyens suffisants et le manque de volonté politique pour permettre aux victimes d’accéder à la justice. Pourtant, l’opportunité politique d’un changement en profondeur est là : la création de juridictions spécialisées était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2022, le Parlement est particulièrement dynamique sur le sujet et les Etats Généraux de la Justice ont permis l’augmentation des moyens de celle-ci.

Bien au contraire, face à l’explosion des contentieux en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, une réorganisation en profondeur de la justice est nécessaire afin de cesser l’embolie des tribunaux, de répondre rapidement et efficacement aux demandes des victimes et de simplifier leurs démarches. Les juridictions spécialisées pourraient ainsi permettre de prendre sérieusement en compte la parole des victimes lors d’un processus judiciaire unifié, accéléré et simplifié.

La Fondation des Femmes appelle les parlementaires et le Gouvernement à revoir la copie et à s’engager dans une réforme ambitieuse qui permettra la mise en place des juridictions spécialisées. Seule cette mobilisation générale du système judiciaire, assortie de moyens financiers conséquents, pourra apporter la réponse nécessaire à toutes les victimes qui se sont engagées au cours des dernières années dans des procédures longues et difficiles. Il est indispensable d’améliorer significativement la réponse judiciaire à #MeToo, afin que les tribunaux puissent faire face au caractère massif des violences faites aux femmes. Ceux qui demandent aux victimes de saisir les tribunaux ne peuvent ensuite les décevoir avec une justice défaillante.

Fondation des Femmes 

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