Articles récents \ Monde \ Asie Le calvaire des femmes ouïghours, ne les oublions pas !

Nous sommes dans une ère de fast media. Nous dévorons l’actualité, jusqu’à ce qu’elle tombe dans les méandres de l’oubli. Néanmoins, les blessures telles qu’un génocide ne s’oublient pas. Qu’elles fassent le buzz aujourd’hui ou plus tard, les exactions continueront, et plus nous oublieront, plus l’impunité gagnera. N’oublions pas les Ouïghours, leur calvaire ne s’est pas arrêté.

Les Ouïghours sont une minorité musulmane de Chine vivant dans le Xinjiang. Leur calvaire commence en 2009, après une émeute à Ürümqi où les Ouïghours et les Hans s’affrontent. Les Hans constituent l’ethnie majoritaire en Chine. Le bilan meurtrier et les attaques terroristes perpétrés par la suite par les Ouïghours vont alors justifier une politique de répression forte : camps de concentration, espionnage sous toutes formes…

Tout est fait pour que les Ouïghours soient décimé·es en leur être, en leur chair. Les femmes sont les premières victimes : elles sont soumises à des injections de drogues qui bloquent leur menstruation. Elles sont violées par les administrateurs des camps et stérilisées. En 2018, 80 % des stérilets posés en Chine venait du Xinjiang. Eleanor Hart, bénévole à l’Institut ouïghour d’Europe, déclare : « On prend le relais pour se battre pour elles ». La violence et l’humiliation sont les nerfs de ce génocide. A travers la destruction des femmes, on détruit l’humanité et la survivance même des Ouïghours. Elles sont humiliées avec l’obligation de porter des cheveux courts et des robes courtes. Leur lien culturel est brisé, elles sont forcées de partager le lit avec des fonctionnaires chinois. On organise des mariages forcés avec les Chinois et les enfants sino-ouïghours sont patriotisé·es. Le but est d’en faire de parfait·es soldat.es uniformé·es pour la « Grande Chine. »

On pensait que ces révélations accéléreraient une prise de conscience de ce génocide. Mais, force est de constater que la nécessité de ne pas froisser la Chine passe avant le sort de cette population. L’évocation des stérilisations massives, les témoignages de torture, d’électrochocs dans les parties intimes des femmes ouïghours ne suffisent pas. En France, Emmanuel Macron avait pourtant fait de l’égalité femmes/hommes la grande cause de son quinquennat. Le seul angle d’action est aujourd’hui la lutte contre le travail forcé des Ouïghours.

En 2023, à défaut d’avoir une quelconque influence sur la Chine, des ONG portent plainte contre des multinationales. Si la pression n’est pas politique, elle peut devenir économique. Quatre multinationales sont ainsi accusées de « recel de crime contre l’humanité » car elles profitent du travail forcé des Ouïghours. En effet, 25 % du coton mondial est produit dans le Xinjiang. Sherpa, l’une des associations ayant déposé la plainte, souhaite à travers cette plainte “faire établir qu’une entreprise qui bénéficie du produit d’un crime se rend coupable de recel lorsqu’elle commercialise les produits fabriqués grâce à du travail forcé. Ce serait une première, le droit a du mal à prendre en compte les travers de la mondialisation, et les chaînes de valeurs.”

La Chine essaie de blanchir son image internationale et de se donner des airs de pacificatrice. C’est ainsi qu’elle oppresse de plus en plus les Ouïghours hors de ses frontières. L’ambassade devient alors un terrain miné. Ces soupçons viennent d’Amnesty International : « La police chinoise me pose des questions », peut-on lire dans ce texto dont Amnesty a fait prendre connaissance à l’AFP. Dans un communiqué diffusé samedi soir, les autorités d’Hong Kong ont qualifié d’« infondées » les affirmations de l’ONG qui comportent des « calomnies sur la situation des droits de l’homme ». Le Ouïghour qui avait envoyé le texto à un ami avait quitté la Corée du Sud le 10 mai pour lui rendre visite et n’avait plus donné de nouvelles depuis. Il a été retrouvé, mais nie s’être rendu en Chine alors même que son téléphone y a été localisé.

Dès le début du génocide, en signe de protestation, des carrés bleus (couleur du drapeau ouïghour) sont apparus sur les pages Instagram et Twitter ont permis certes de mettre en avant le problème, mais il reste intact.

La Chine reste intouchable, elle garde une chaise au Conseil de Sécurité de l’ONU, qui œuvre pour le maintien de la paix… et garde ses partenaires économiques.  En dépit de la négation des droits de l’homme, la realpolitik gagne et ainsi va l’impunité.

Océane Koukodila 50-50 Magazine

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