Articles récents \ Culture \ Cinéma “Paula” ou l’inceste pressenti

Comment parler de l’inceste sans rien en montrer? Comment faire ressentir l’emprise d’un père trop investi, d’un malaise qui s’installe petit à petit? C’est le pari réussi de ce premier film d’Angela Ottobah sorti en salle aujourd’hui en cet étouffant mois de juillet.

La petite Paola, onze ans, part en vacances avec son père au bord d’un lac, sans sa maman qui est partie travailler à l’autre bout du monde. Pas dans un camping, non, dans une petite maison solitaire où les journées sont longues, malgré l’enthousiasme que met le papa à vouloir la distraire. Une gaité, un activisme forcé qui va bientôt lasser l’enfant, de même que les marque d’affection qu’il lui prodigue, un peu trop lourdement, peut -être. Mais le spectateur, comme Paula, met du temps à le ressentir, à se poser des questions devant les sautes d’humeur de ce biologiste qui lutte contre une maladie des poumons, en s’aidant d’oxygène.

Son souffle court devient bientôt le symbole de celui qui regarde se mettre implacablement en place l’emprise sur son enfant. Paula n’a pas le droit de se baigner seule, pas le droit d’appeler son ami resté dans leur banlieue, pas le droit de s’exprimer devant l’assistante sociale venue vérifier si tout va bien, et lorsque le père, lors d’une crise de colère, abat le mur de sa chambre, plus le droit à aucune intimité.

C’est là qu’elle comprend, et nous aussi, le piège qui lui est tendu. Rien n’a été dit, rien ne s’est passé qui puisse permettre d’affirmer qu’un inceste a eu lieu, mais nous avons compris l’inquiétude de l’enfant, nous avons pénétré son âme, et c’est glaçant.

Moïra Sauvage 50-50 Magazine

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