Articles récents \ France \ Politique Thérèse Thiery : « Depuis que je suis entrée en politique, j’ai assisté à une lente émergence des femmes à tous les niveaux de responsabilité »

Alors que les élections sénatoriales se tiendront ce dimanche 24 septembre, on s’étonne du silence assourdissant des médias à leur sujet au vu de l’importance de la chambre haute dans l’agenda législatif et de la répercussion de ses décisions dans la vie des français·es. Le nombre d’élues au Sénat a augmenté avec les lois sur la parité en politique (elles n’étaient que 5% en 1992!), il y a aujourd’hui 35% de femmes au Sénat. Ce nouveau scrutin nous rapprochera-t’il de la parité ? Thérèse Thiery fait campagne pour ces élections aux couleurs de « Morbihan Transitions Solidaires ».

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans la bataille pour ces élections sénatoriales ?

En 2020 j’avais mis fin à mes mandats électifs pour accompagner mon mari gravement malade, mais en 2022 des collègues sont venu·es me solliciter pour être tête de liste aux élections sénatoriales de cette année. Après un moment de réflexion, j’ai décidé d’accepter et de mettre mes compétences au service de mes concitoyen·nes et de ce territoire où je suis née et où ai toujours vécu. Nous sommes confronté·es à une période très compliquée et nous avons besoin de bras et de cerveaux pour faire face aux nombreux défis qui nous attendent, en particulier la défense de services publics accessibles à toutes et tous et la mise en œuvre de transitions écologiques qui réduisent notre impact environnemental. Le changement est un projet qui se construit collectivement, pas le fruit d’une volonté personnelle.

J’ai une solide expérience d’élue locale, j’ai été maire de Lanester (troisième commune du Morbihan) pendant 16 ans. C’est aussi la première commune bretonne de plus de 20 000 habitants à avoir été administrée par une femme. Par ailleurs j’ai siégé 10 ans au Conseil général du Morbihan et j’ai été 10 ans première vice-présidente de Lorient-agglo. J’ai donc une bonne connaissance de mon département, bien plus encore après avoir rencontré dans leur commune, presque tou·tes les maires du département. Depuis que je suis entrée en politique, j’ai assisté à une lente émergence des femmes à tous les niveaux de responsabilité, aidées en cela par les lois pour la parité qui ont obligé les hommes à leur faire une place dans leur pré carré. J’ai à la fois le sentiment que ces acquis restent fragiles et doivent être consolidés et le sentiment d’avoir de nombreux soutiens de la part de celles et ceux qui aspirent à une meilleure représentation des femmes au Sénat.

Que voudriez-vous apporter à vos concitoyen·nes en tant que sénatrice ?

Le Sénat n’a pas toujours bonne presse mais le climat politique actuel redore un peu son blason. À l’écart de l’agitation politicienne et médiatique, le Sénat est l’assemblée qui peut mener en profondeur un travail de réflexion sur les grands enjeux de notre époque. J’ai l’ambition de participer à ce travail de réflexion pour animer l’activité du territoire, en partant du terrain, étant une élue de proximité à l’écoute des besoins des élu·es locales/locaux dont je souhaite faire entendre la voix au plus haut niveau. Elles et ils n’en peuvent plus du pouvoir technocratique centralisé qui édicte en permanence des normes et des contraintes financières sans laisser l’autonomie nécessaire aux collectivités. Le Sénat est la chambre qui doit représenter les collectivités locales et il faut bien connaître leur fonctionnement, leurs besoins et leurs problèmes pour les faire reconnaître, et surtout les faire prendre en compte par le gouvernement. Un lien puissant est nécessaire entre les sénateurs et sénatrices et les élu·es locales/locaux. Cela implique une présence active sur le terrain, d’être attentive aux attentes, problèmes et besoins de chacun·e.

En tant que femme de gauche et humaniste, si je suis élue sénatrice j’aimerais contribuer à la rénovation et au renforcement du statut de l’élu·e afin qu’elles et ils se sentent bien dans leurs missions et soient en capacité de répondre aux besoins et demandes de leurs concitoyen·nes. La liste Morbihan Transitions Solidarités promeut une action politique ambitieuse et solidaire qui ne laisse personne au bord du chemin et qui prend chaque vie en compte. Nous ressentons de plus en plus fortement la fracture sociale entre celles et ceux qui s’en sortent et celles et ceux qui n’en peuvent plus. Près de 10% des Français·es vivent sous le seuil de pauvreté, et ce sont souvent des femmes, des familles monoparentales, des salarié·es en temps partiels subis, des retraité·es précaires… Si c’est assez visible en ville, en milieu rural c’est plus souvent tu ou caché, mais partout trop de gens se sentent abandonnés, voire méprisés, par les services de l’État.

Dans une France à deux vitesses, le travail des élu·es locales/locaux est de plus en plus démesuré pour tenter de pallier le manque de moyens et d’autonomie octroyés par le gouvernement. Pourtant c’est une chance et une richesse énormes pour la France d’avoir, sur l’ensemble de son territoire, ces équipes de bénévoles au service des populations. Elles contribuent au quotidien à la qualité de vie de chacun·e mais leurs tâches sont toujours plus lourdes et complexes face aux urgences sociales et climatiques que nous connaissons. Un petit problème à résoudre peut engendrer un gros dossier et beaucoup de travail. Il y a des femmes qui s’engagent totalement dans des organisations ou des mandats locaux, mais nombre d’entre elles ont encore trop souvent le sentiment de manquer de légitimité et de connaissances pour mener à bien leurs différentes tâches.

Peut-être sont elles aussi victimes de stéréotypes persistants qui font que beaucoup d’hommes trouvent normal de s’investir sans limite de temps pendant que leur compagne gère le quotidien et s’occupe des enfants, sans imaginer une seconde la situation inverse ! Cette situation particulière des femmes doit être prise en compte dans la rénovation du statut de l’élu·e.

Comment se déroule cette campagne que les médias semblent ignorer ?

Je suis partie à la rencontre des maires et des élu·es locales/locaux qui ont beaucoup de choses à dire et se sentent souvent peu écouté·es par le monde politique parisien qui vit un peu « hors-sol ». Dans le Morbihan, comme dans une grande partie de notre pays, le principal problème des gens, et donc des élu·es, est le logement. Les Morbihannais·es ont de plus en plus de mal à se loger, on manque de logements disponibles et accessibles. Ce phénomène est accentué par l’attractivité, en particulier touristique, de sa zone littorale. La population croit d’1% par an, il faut loger 7000 nouvelles personnes chaque année, en tenant compte des problèmes et enjeux environnementaux en la matière, avec par exemple « Zéro Artificialisation Nette » (Loi Climat et Résilience). La Bretagne et sa qualité de vie ont attiré beaucoup de gens après le Covid, tant des retraité·es que des familles. Le logement doit donc devenir une priorité budgétaire du gouvernement, il faut renforcer les bailleurs sociaux et réguler le montant des loyers afin de permettre à toutes et à tous d’avoir un toit.

La seconde préoccupation des élu·es locales/locaux concerne les personnes âgées et leurs besoins spécifiques en matière d’accueil et d’accompagnement tant sanitaire que socio-culturel. Aider nos concitoyen·nes à vieillir dignement, que ce soit chez elles/eux ou en établissement, demande d’améliorer les politiques de solidarité afin d’assurer un accompagnement respectueux et de qualité. Pour ce qui les concerne, les collectivités ont besoin de personnel compétent en nombre suffisant.

Leur troisième grande préoccupation, qui découle en partie de la précédente, est celle de la santé qui les inquiète beaucoup car le Morbihan connaît un déficit important de médecins et de dentistes. Nous avons besoin d’une réforme ambitieuse de notre système de soins pour stopper la désertification médicale du territoire et mieux articuler les services médicaux entre les territoires urbains et ruraux. Pour cela aussi nous avons besoin de crédits, de formations et de décentralisation.

Nous sommes donc face à une urgence à la fois climatique et sociale, mais aussi démocratique ! Un grand nombre d’élu·es me disent qu’elles et ils ne sont pas assez écouté·es? ni respecté·es. Certain·es se sentent complètement abandonné·es face aux difficultés qu’elles et ils ont à gérer au quotidien. Dans les petites communes, les maires sont en permanence sollicité·es directement pour toutes sortes de questions, sans limite d’urgence ni de gravité. Elles et ils sont nombreuses/nombreux à être inquièt·es pour le devenir même de leur commune tant est grande la difficulté à renouveler les équipes municipales et à y maintenir la parité. Le statut des élu·es a donc un besoin urgent d’être redéfini devant la complexité grandissante de leur tâche. De plus elles et ils sont trop souvent le réceptacle des frustrations et du malaise de leurs concitoyen·nes, qui rejaillissent sur les élu·es de proximité.

Les élu·es ont aussi besoin d’être rassuré·es sur la continuité de leur vie professionnelle et de leur droits à la retraite lorsqu’elles et ils suspendent leur vie professionnelle pour se consacrer à leur commune et à leurs concitoyen·es. Le crédit d’heure pour remplir ces tâches demanderait à être étendu. Enfin, pour permettre aux femmes, et en particulier aux plus jeunes en charges d’enfants, de s’investir dans la vie de leur commune, on doit s’interroger sur la possibilité de leur apporter des aides spécifiques. La loi impose la parité, mais dans la réalité le poids de la charge mentale, familiale et domestique, éloigne toujours les femmes des responsabilités politiques si elles n’ont pas un conjoint qui les assument à parité. Par ailleurs certaines sont en demande de formations et de soutiens ciblés pour faire face à ces responsabilités d’élue locale auxquelles nos concitoyen·nes ne sont pas préparé·es avant d’être élu·es et d’y être confronté·es. Leur donner toutes les chances d’être efficaces dans leurs missions est l’une des clés de la mise en œuvre de transitions solidaires dans le Morbihan !

Propos recueillis par Marie-Hélène Le Ny 50-50 Magazine

Photo de Une : © Dominique Fossé

 

 

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