Articles récents \ France \ Société Sésame, l’association qui parle de relation et de sexualité aux jeunes

Depuis 2001, les cours d’éducation à la sexualité sont obligatoires dans les écoles, collèges et lycées. L’association Sésame existe quant à elle depuis 40 ans et parcourt les établissements scolaires privés et publics de France pour parler sexualité et de relations au cours de 2000 interventions auprès de 30 000 élèves par an.

Les cours d’éducation sexuelle ont bien évolué depuis 40 ans. Ils étaient encore, il y a quelques années, centrés sur la reproduction, les maladies sexuellement transmissibles et le risque de grossesse. Désormais, même si ces thèmes sont toujours abordés, une dimension affective est enseignée. Pour Philippe Rougier, secrétaire de Sésame : “nous ne nous limitons pas à parler de prévention, nous parlons beaucoup de relationnels avec les notions de consentement, de responsabilité et de confiance en soi”.

Depuis la loi Schiappa de 2018, les établissements ont l’obligation d’organiser 3 séances par an du primaire jusqu’à la terminale. Mais, selon une enquête de Nous toutes, les répondant·es à leur questionnaire n’avaient bénéficié seulement que de “13% du nombre total de séances qu’ils et elles auraient dû avoir”. L’équipe de Sésame effectue en général une des séances prévues par le dispositif. “Nous nous inscrivons dans un parcours que l’établissement à lui-même créé […] les établissements font beaucoup appel à des intervenant·es extérieur·es”, explique Philippe Rougier. Sésame organise ses cours surtout en classe de 4ᵉ; pour le secrétaire de Sésame, changer régulièrement d’intervenant·es permet de garder une certaine nouveauté et de contrer la routine.

Les questions évoluent avec le temps

Lors des 2000 interventions que l’association effectue chaque année, plusieurs thèmes vont alors être abordés. “On a pas un cours que l’on débite devant les élèves” indique Philippe Rougier. Les cours se construisent avec les questions des élèves. 15 jours avant la séance, il leur est en effet demandé de poser leurs interrogations sur la sexualité et les relations. Et ces questions changent dans le temps. Il y a plusieurs années, se souvient Philippe Rougier, on ne parlait pas de masturbation, d’homosexualité ou de transidentité, ces sujets étaient encore empreints d’un énorme tabou. Désormais, les langues se délient. “Par contre en ce qui concerne les règles, la grossesse ou la contraception, nous avons moins de questions grâce aux cours de SVT qui s’améliorent”, note Philippe Rougier.

Les thèmes abordés par les élèves et les professionnel·les de Sésame évoluent également selon la classe. En primaire, des intervenant·es formé·es spécialement pour parler à ce jeune public, aborde notamment les relations. “En CM1, CM2, nous allons parler du cercle de confiance, des gestes autorisés, du fait leur corps leur appartient et que certaines parties du corps n’ont pas besoin d’être touchés”, précise Philippe Rougier. Les membres de Sésame n’oublient pas que dans chaque classe des enfants peuvent être victimes d’inceste, aborder ces questions et montrer qu’il existe des personnes de confiance permet ainsi de montrer qu’une écoute est possible. “Après la séance l’enfant peut venir se confier à nous, et là comme nous recueillons une information préoccupante nous la faisons remonter au directeur de l’établissement qui saisira les personnes compétentes […] Nous ne cherchons pas à enquêter, mais à révéler”, souligne le secrétaire de Sésame.

“On leur fait comprendre que ce n’est pas la sexualité qui désire mais qui excite”

En classe de 6ᵉ et de 5ᵉ, les filles et les garçons sont séparés. “Les enfants sont encore très pudiques”, souligne Philippe Rougier. Sésame aborde alors avec les élèves la question de l’amitié et des différences qui existent avec l’amour. Pour cela, les intervenant·es créent la marguerite de l’amitié où chaque pétale représente ce que l’on recherche chez un·e am·ie. Les élèves vont alors parler de confiance, de moments partagés, d’humour.

Puis ensemble ils vont se questionner sur la différence avec l’amour, comme les gestes que l’on a pour un·e am·ie peuvent différer avec ceux que l’on a pour un·e amoureuse/amoureux. Ce qui explique la séparation entre les filles et les garçons pour Philippe Rougier c’est aussi le type de question qui est abordée. Si l’amitié est un thème qui les relie, chez les jeunes filles, la séance va tourner autour des menstruations, de leur corps et des possibles craintes qui entourent la première fois. Dans les groupes de jeunes garçons, Philippe Rougier note plus de curiosité sur la puberté, mais également sur la pornographie. Selon le Haut Conseil à l’Egalité Femmes/Hommes, en 2022, 30 % des internautes mineur·es ont été exposé·es au moins une fois par mois à des contenus pornographiques sur ces sites.

En ce qui concerne la pornographie, le but de la séance est de déconstruire et ce thème va continuer à être abordé en classe de 4ᵉ. Sésame va déconstruire le fait que sont des films où on a l’impression que l’homme est hyper puissant et que la femme est toujours désireuse, précise l’intervenante. “Alors, nous leur faisons comprendre que ce sont des films réalisés en plusieurs heures, qu’il existe des trucages de son et des artifices”, détaille Philippe Rougier. Lors des séances qu’il anime, il créé alors un tableau en deux colonnes : une qui regroupe ce que les élèves aiment dans la pornographie et une qui regroupe leurs critiques vis-à-vis de cette dernière. Dans les points positifs, on retrouve l’excitation, la notion de plaisir et de masturbation. Puis dans le négatif, le groupe va pouvoir parler de consentement, d’égalité entre les hommes et les femmes, de violence et de la condition de certain·es actrices/ acteurs

En abordant la question de la pornographie, en sachant qu’elle est présente dans le quotidien des élèves de plus en plus tôt, Sésame leur permet de comprendre que ce genre de vidéos ne sont pas un reflet de la réalité. “La pornographie a changé les normes de la sexualité actuelle. Nous leur expliquons qu’il n’y a pas de règles, que chacun peut être aimé pour ce qu’il est et pas par ce qu’il paraît”, ajoute Philippe Rougier. Avec l’épilation par exemple, où les normes imposées aux vulves et exposées dans ce genre de contenu ont entrainé au fil du temps la multiplication des opérations des lèvres.

Les contours de l’amour et de l’amitié

En 4ᵉ, il n’y a plus de séparation binaire, le groupe est réuni pour parler de la première fois, un sujet qui intéresse et questionne beaucoup les élèves. Pour répondre à leurs inquiétudes ou leurs questionnements, les intervent·es de Sésame organisent un atelier où selon les groupes établis, les élèves doivent répondre aux questions: Que faut-il pour une bonne première fois ? Et, au contraire, qu’est-ce qui peut gâcher la gâcher ?
À ce moment-là, la notion de consentement est abordée. Des questions comme : “est-on obligé de faire des préliminaires ? Si mon copain est pressé de le faire, comment s’y prendre ? ou Est-ce que faire une fellation c’est normal ? “ sont alors abordées pendant la séance.

Le consentement, c’est pour eux la base de la relation, nous dans nos générations, nous avons eu des problèmes avec les stéréotypes que l’on nous a appris”, raconte Philippe Rougie. “Nous sommes face à des jeunes qui ont déjà eu des réflexions là-dessus, entre elles/eux. Nos jeunes ne sont pas mal, on croit qu’ils sont tordus par les médias, mais la majorité des jeunes que nous rencontrons veulent aimer et être aimés, et avoir du plaisir et pas n’importe comment”, ajoute-t-il.

En dehors de la première fois, les intervenant·es de Sésame vont aussi aborder le relationnel. Qu’est-ce qu’un véritable ami ? L’amitié filles/garçons ça existe ? Comment aller vers les autres quand on est timide ? Comment avouer ses sentiments ? Tant de questions importantes dans la vie d’un.e adolescent.e. Les intervenant.es de Sésame vont alors faire un brainstorming sur le mot amour, pour voir ce que les élèves mettent dans cette catégorie et pareil avec l’amitié. Pour Philippe Rougier, il est important de mettre en avant les 3C : Cerveau-coeur-corps, “On aime les faire réaliser que dans une belle relation il y a une harmonie des trois C”.

Sésame laisse un formulaire aux élèves à la fin de la séance. En général les retours sont unanimes. “J’ai compris que l’amour ce n’est pas que le sexe”, “je me sens différente de mes camarades, mais je n’ai plus honte maintenant” ou encore “ce serait plus facile si les parents abordaient le sujet”.

Tous ces retours montrent ainsi la nécessité de ces séances dans l’ensemble des classes.

Camille SP 50-50 Magazine

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