Articles récents \ Culture \ Cinéma Renata Martins : «J’ai pu accéder à l’université grâce à la politique des quotas sociaux…mis en place par le gouvernement de Lula»

La réalisatrice Renata Martins était à Nice à l’occasion de la remise du Prix Ciné França-Brasil au Festival Curta Brasília, offert par l’Ambassade de France au Brésil, en partenariat avec Sétima Cinema et l’association niçoise, Casa Doc. Renata Martins a reçu de très nombreux prix. Aujourd’hui au Brésil 1% des réalisatrices brésilienne sont noires.

Qu’est-ce qui vous a poussé à faire des études de cinéma ? 

Mes parents sont arrivés à São Paulo très jeunes avec mes grands-parents. Ma mère avait un atelier de couture et mon père était métallurgiste. Ils ont toujours accordé de l’importance à leurs études et nous ont encouragés, mes frères, mes sœurs et moi, à en faire de même. Mais il y a 20 ans, il était impossible de s’offrir un enseignement supérieur privé dû aux coûts très élevés et l’enseignement supérieur public était très compétitif, même pour les jeunes issus de familles plus aisées. J’ai pu accéder à l’université grâce à la politique des quotas sociaux, fruit du travail inlassable des mouvements noirs et sociaux mis en place par le gouvernement Lula et mise en œuvre par le ministre de l’Éducation de l’époque, Fernando Haddad. À l’université où j’ai étudié grâce à cette politique, j’étais la seule étudiante noire de ma classe à bénéficier d’une bourse.

Aujourd’hui, je suis titulaire d’un master et je travaille sur le marché professionnel de l’audiovisuel. Ma carrière comprend quatre courts métrages, quelques travaux dans le domaine de la publicité sociale et de nombreux prix nationaux et internationaux, dont deux Kids Emmys. J’ai aussi été primée pour les scénarios de Pedro e Bianca sur TV cultura et Malhação Viva a diferença sur Rede Globo. Le court métrage « em Asas a remporté plus de trente prix, dont le Grand Prix du Cinéma Brésilien, décerné par les membres de l’Académie Brésilienne du Cinéma et le prix du meilleur scénario de court métrage, décerné par l’Association Brésilienne des Auteurs et Scénaristes. Il a également reçu les prix de la meilleure réalisation, du meilleur film, du meilleur scénario et de la meilleure distribution dans les festivals les plus importants du Brésil.

Combien de films et de courts métrages avez-vous réalisés ? Sont-ils tous engagés ? 

J’ai écrit et réalisé quatre courts métrages, dont deux à l’université : « Reificação », 2007 et « Margarida », 2008. Les deux étaient expérimentaux, dans le but de tester les possibilités du langage cinématographique, les astuces et les sensations utilisées dans les débuts du cinéma. J’ai travaillé en tant qu’éducatrice artistique entre la production des courts métrages « Aquém das nuvens », 2012 et « Sem asas », 2019. Ce sont deux projets très importants dans ma carrière, car ils réitèrent l’importance des politiques sociales et de l’encouragement de la production culturelle. Je dis souvent que « Aquém das nuvens » a été mon passeport d’entrée sur le marché audiovisuel, car c’est grâce à lui que j’ai pu accéder à d’autres travaux. « Sem asas » marque à son tour ma consolidation sur le marché audiovisuel professionnel ainsi que la reconnaissance artistique et critique des projets auxquels j’ai participé.

Seulement 1 % des réalisatrices brésiliennes sont noires… 

En 2012, une étude a été réalisée par l’institut GEMA qui dénonçait l’absence de femmes noires dans la réalisation de longs métrages jusqu’à la période en question. Cependant, sous la pression des mouvements et des réalisateurs noirs, des progrès significatifs ont été menés dans la représentation des femmes, des Noir·es et des Indigènes, ainsi que dans la mise en œuvre de politiques publiques en faveur d’un cinéma national plus diversifié. Les effets sont toujours moins conséquents sur des longs métrages, mais très importants dans la production audiovisuelle de courts métrages ainsi que dans la réalisation et l’écriture de scénarios de séries pour la télévision.

Le cinéma est un art coûteux et puissant, capable de réitérer ou d’effacer des valeurs. Il a toujours été entre les mains d’une élite ethnique et économique et ce contrôle a empêché l’accès à d’autres perspectives et sensibilités.

Y a-t-il des réalisatrices autochtones ?

Oui, il y a des réalisatrices, des scénaristes, des monteuses, des productrices, des scénaristes et des actrices autochtones dans tout le pays. Chaque jour, elles sont mieux organisées et plus à même de faire pression sur l’hégémonie du cinéma national.

Peut-on dire que vous êtes la réalisatrice qui donne la parole aux minorités ?

Non, je suis une réalisatrice qui a trouvé l’espace nécessaire pour amplifier sa propre voix, c’est-à-dire la façon dont je vois et ressens le monde. Je ne prétends pas être la voix des autres. 

Quel sera le thème de votre prochain film ?

J’ai deux projets de longs métrages à différents stades et quelques projets pour la télévision. Le prochain thème dépend beaucoup du projet qui sera approuvé en premier.

Laurence Dionigi 50-50 Magazine

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