Articles récents \ France \ Société Mister Ose : « C’est justement en en parlant que l’on pourra avoir une sexualité et des relations épanouies… »

Jordy Oumira est créateur de contenu spécialisé dans la sexualité et les relations de couple. Essentiellement présent sur Instagram sous le nom de @mister.ose, cela fait trois ans que son objectif est de lever les tabous afin d’aider les gens à s’épanouir vis à vis de leur sexualité. Jordy Oumira était journaliste radio,  mais quelques années plus tard il a eu l’idée de combiner le facteur informatif de la radio en s’emparant du sujet de la sexualité, dont on parlait assez peu il y a quelques années.

Pourquoi, à votre avis, la sexualité est-elle taboue ?

La sexualité est taboue tout d’abord à cause du facteur sociétal. En France, c’est un sujet dont on parle peu. Les raisons sont diverses mais généralement liées à l’éducation, la religion ou plus globalement, à un manque de communication au sein des familles. Résultat : on n’en parle pas du tout ! Le problème, c’est qu’arrivées à l’âge adulte, certaines personnes se rendent compte qu’elles connaissent en fait très peu de choses sur la sexualité. Par la suite, cela débouche sur des problèmes comme la consommation de porno à des fins éducatives par les jeunes. Ce n’est pas la meilleure approche possible de la sexualité car il y a vraiment un grand écart entre ce l’on peut voir sur internet et la réalité des rapports. Tout cela mis bout à bout cause de gros quiproquos et idées reçues. Mon objectif est de dédramatiser le sujet pour que les gens se rendent compte qu’il n’y a rien de sale, rien de mal, car la sexualité fait partie du quotidien de la majorité d’entre nous. Et c’est justement en en parlant que l’on pourra avoir une sexualité et des relations épanouies.

D’ailleurs, on peut voir que cela marche car depuis l’essor de l’éducation sexuelle sur les réseaux sociaux, les 16-24 ans ont une image du consentement beaucoup plus claire dans leur esprit que celle de leurs aîné·es.

Est-ce important pour vous de parler de sexualité sur les réseaux sociaux ? 

Les réseaux sociaux sont aujourd’hui les plateformes qui apportent le plus de visibilité aux personnes qui en parlent. Ils permettent de toucher un public le plus large possible, des plus jeunes aux plus âgé·es. Ma communauté se situe entre 18 et 55 ans. C’est là la force des réseaux ; on peut rapidement toucher un maximum de monde.

Le revers de la médaille, c’est qu’on est soumis à une certaine forme de censure puisque les plateformes sont assez réticentes à parler de sexualité. Je suis donc obligé de m’auto-censurer, et j’utilise des mots non-explicites qui peuvent passer à travers les mailles du filet. De toutes façons, mon but n’est pas de choquer en utilisant des mots crus. Les plateformes sont donc à double tranchant car elles ne font pas encore la distinction entre contenus à caractère pornographique et à caractère éducatif. C’est vraiment dommage puisque ce n’est pas le même type d’infos, ni d’approches.

Que pensez-vous de l’éducation sexuelle à l’école ? 

Il n’y a clairement pas assez de moyens mis en oeuvre depuis la loi Aubry de 2001. Cette loi ordonne que l’éducation à la sexualité soit dispensée dans les collèges et lycées à raison de trois séances par an. Dans les faits, on en est loin. 15 % des 15-24 ans affirment n’avoir jamais eu de cours d’éducation sexuelle. Pire que cela, si on fait le calcul, les élèves sont censé·es avoir 21 cours repartis sur leurs années de collège et lycée. Dans les derniers sondages, en moyenne, les jeunes interrogé·es affirment avoir eu un peu moins de trois cours d’éducation sexuelle sur toute leur scolarité. On est très loin de ce qui est préconisé, c’est pour cette raison que des associations ont porté plainte contre l’Etat pour non application de la loi.

Est-ce pire ou mieux dans d’autres pays ? 

Il y a effectivement des pays où c’est pire. Là où la religion prend une place prépondérante dans la société ou dans les pays où l’éducation peut être plus stricte, on ne parle pas de sexualité. Mais à l’inverse – et à titre d’exemple – le Canada est un pays qui apporte les sujets de santé sexuelle avec plus de pédagogie et décontraction. Dans ce pays, le sujet de la sexualité est beaucoup moins tabou. En France on est vraiment à la traîne. Les gens ont peur que les jeunes aient un accès aux questions de sexualité. Pour la plupart, ils veulent les protéger. Pour moi, il vaut mieux en parler et être préparé·es à la vie sexuelle que de découvrir par soi-même la sexualité et commettre des erreurs par la suite. Toujours au Canada, quand un homme a eu ses enfants, il est plus courant de le voir prendre la charge contraceptive. Par exemple, nombreux sont les hommes qui font le choix de la vasectomie. En France, la contraception masculine est encore très boudée ou parfois, soumise à des idées reçues.

La contraception masculine est-elle un sujet important pour vous ? 

Souvent, quand on pense à la contraception masculine, on pense bien évidemment au préservatif. Beaucoup d’hommes n’apprécient pas mettre de capotes parce que les sensations ne sont pas au rendez-vous. Mais quand on parle de vasectomie, qui est une stérilisation à visée contraceptive, la méconnaissance du sujet laisse place à de très nombreux malentendus. Beaucoup d’hommes en ont peur car ils la voient comme une perte de masculinité et craignent une incidence sur leur libido voire des problèmes mécaniques. Tout cela est faux. La vasectomie ne change absolument rien. Mais, par méconnaissance et parce qu’on en parle encore trop peu, les idées reçues circulent…

Il est donc important de mettre en avant d’autres alternatives. Les recherches sur la pilule contraceptive masculine n’ont pas encore abouties car les chercheuses/chercheurs essaient de faire en sorte qu’il n’y ait aucun effet secondaire. Ce n’est pas encore le cas aujourd’hui. Il y a aussi la solution thermique. Il s’agit d’un anneau thermique à porter une dizaine d’heures par jour, qui augmente la température des testicules et qui permet de rendre stérile pendant un certain laps de temps. Il s’agit là d’une solution réversible, mais c’est en attente de validation auprès de l’agence du médicament.

Après tout, pourquoi la contraception devrait-elle être seulement « féminine » ? C’est encore là une vision patriarcale du sujet. On le voit bien car il existe de nombreux moyens contraceptifs, dits féminins. Les autorités de santé se disent « on a tout ce qu’il faut, les femmes sont habituées depuis des décennies à prendre en charge le poids de la contraception, pourquoi ça changerait ? On va essayer de développer quelques alternatives mais bon, ce n’est pas une priorité « . Cette charge devrait être a minima répartie à parts égales.

Quel est votre public ? 

Ma communauté est essentiellement féminine avec 72 % de femmes, mais j’ai de plus en plus d’hommes qui me suivent. J’ai l’impression que les hommes ont plus de gêne à aborder ce sujet qu’est la sexualité. Cela est sûrement dû au manque de communication dans les cercles sociaux masculins et des injonctions viriles du genre « on ne parle pas de ses sentiments ni de ce qu’on ressent ». Pour expliquer cela, il y a plusieurs facteurs, comme la pression sociale, la course à la performance… Mais ce qui est certain, c’est que malgré tout, les lignes commencent à bouger. Ce sont des hommes qui cherchent à se déconstruire qui me posent généralement des questions. Ils cherchent à s’émanciper de la vision patriarcale avec laquelle ils ont grandi. Tout cela intervient au moment où ils ont compris que les choses pouvaient changer et qu’un homme n’était pas obligé de scander une masculinité patriarcale, qu’il existe d’autres formes de masculinité vers lesquelles tendre.

Les hommes qui parlent de sexualité sur les réseaux sociaux sont-ils plus rares que les femmes ?

Oui, nous sommes très peu d’hommes à en parler. À ma connaissance, nous sommes moins d’une dizaine en France. A titre personnel, je parle exclusivement de sexualité et de relations de couples de façon très décomplexée. Et chacun apporte sa pierre à l’édifice en fonction de ses affinités : pour certains, c’est axé sur la psychologie ou l’étude clinique quand pour d’autres, c’est l’humour qui sert de vecteur. Quoi qu’il en soit, nous avons tou·tes un rôle à jouer.

Lola Dillier 50-50 Magazine

Mister Ose 

Lire plus Dossier :  Contraception masculine : encore un effort messieurs !

print