Articles récents \ France \ Société Hanna Assouline : « J’ai toujours revendiqué fortement mon identité judéo arabe »

Hanna Assouline est née il y a trente ans dans un milieu militant. Son identité plurielle l’a beaucoup nourrie et a joué un rôle dans cette volonté de réconciliation entre juifs et musulmans. Dans son quartier de naissance, le XXe, elle était la seule juive, identifiée comme telle, et sensibilisée au sujet, au milieu de gens de tous horizons et confessions. Du 11 septembre à l’émergence de Dieudonné, en passant par le conflit israélo-palestinien et la présence de Jean Marie Le Pen au deuxième tour des élections présidentielles de 2002, supportant mal la dégradation de l’ambiance, Hanna Assouline a commencé à vouloir agir.

Hanna Assouline a toujours eu envie de débattre et convaincre, en commençant par ses ami·es de tous bords. «  J’ai toujours revendiqué fortement mon identité judéo arabe » dit-elle.

En 2013, après des études d’histoire et de journalisme, Hanna Assouline découvre un jour sur Facebook, alors qu’elle faisait de l’investigation pour une société de production audiovisuelle, les images prises au téléphone portable d’une marche de musulmanes et de juives en quête de paix, postées par des amies israéliennes. Elle cherche à identifier, comprendre ce mouvement relayé par aucun média. Elle tente alors de persuader sa hiérarchie d’investiguer plus avant, mais devant l’impossibilité de convaincre son entourage professionnel, « on m’opposait beaucoup de cynisme et de complaisance », elle décide, avec une amie, de partir au Proche-Orient. Elle veut y recueillir des images et réaliser des entretiens de ces femmes. Grâce à une campagne de financement participative, Hanna Assouline rassemble quelques moyens lui permettant de partir. Rentrée avec des images, elle trouve enfin un producteur, le film peut alors exister (on est en 2015). À travers des projections, des débats organisés dans toute la France, le film Guerrières de la Paix  porte sa parole d’apaisement et d’engagement.

Création des Guerrières de la Paix

Face à la confusion, la violence des soubresauts du conflit israélo-palestinien, Hanna Assouline et son groupe d’amies parisiennes essaient de se serrer les coudes. De leurs échanges et de leur désir de se soutenir, de maintenir un dialogue, émerge l’idée d’écrire une tribune pour y réaffirmer leur volonté de fraternité et de paix. Celle-ci sera publiée dans le Monde du 31 mai 2021. Pour Hanna Assouline et son entourage, cette voix, saluée par un très grand nombre de soutiens, doit aller plus loin, se traduire par un engagement. C’est de là que sont nées les Guerrières de la Paix. L’association est lancée lors d’un événement organisé à l’Institut du Monde Arabe (IMA) « avec une forte idée de faire converger nos luttes, de relayer les voix des Palestiniennes et des Israéliennes, mais aussi de combattre la compétition des souffrances, pour l’égalité des droits ». De nombreux débats suivent et, en mars 2022, les Guerrières de la Paix lancent à Essaouira au Maroc, le 1er forum mondial pour la paix, afin d’internationaliser leur combat. « Ce fut un moment très fort en émotion qui remporta un vif succès » se réjouit Hanna Assouline. Le deuxième aura lieu en juin 2023 à l’IMA.

Sollicitées par des femmes palestiniennes et israéliennes qui organisent une marche de la paix, Hanna Assouline et ses amies acceptent de s’y associer et décident de participer à cette grande marche, prévue le 4 octobre 2023, juste avant l’assaut du 7 octobre. Ce ralliement les amène à sillonner tout le pays avec trente femmes du monde entier (russes, ouighours, ukrainiennes, sénégalaises, etc.) à la rencontre des militantes. C’est dans ce cadre qu’elles font la connaissance, entre autres, de Viviane Silver de Women Wage Peace (les Femmes Font la Paix) qui devait, quelques jours plus tard, être prise en otage à Gaza et mourir. Ce sera un choc terrible pour elles lorsqu’elle l’apprennent peu de temps après. Ce drame ne fait que renforcer leur sentiment de responsabilité.

Un double enjeu 

Le premier enjeu est d’amplifier et relayer les voix de ceux et celles qui sont en Palestine et en Israël et continuent à se battre pour plus de justice, pour atténuer la haine, développer le courage et la capacité de se mettre à la place de l’autre.

Le second est d’instaurer une vigilance au sein de notre société : même si le conflit israélo-palestinien n’est pas importé en France et que les tensions qu’il révèle sont antérieures au conflit, les frustrations, les haines qui gangrènent notre société s’en trouvent remises sur le devant de la scène. Le conflit qui agit comme un détonateur, peut constituer un prétexte pour rejeter l’autre ou l’essentialiser. Aux yeux des Guerrières de la Paix, il faut donc continuer à se battre ici. Les souffrances ne sont pas en concurrence mais au contraire se font écho et leur devoir est de renforcer la lutte, d’amplifier le combat des unes et des autres par leur action.

Hanna Assouline précise que ce qui lie aussi les femmes militantes du Proche-Orient et leur permet une solidarité inédite est leur statut de mères, souvent en deuil d’un enfant tué à la guerre. Au départ, elles ne sont pas issues de milieux urbains déjà engagés, mais souvent de villages isolés, ce qui crée une solidarité et un dialogue inédit. Ce n’est qu’un élément, non essentiel mais qui traduit la capacité des femmes à être dans le concret du quotidien.

Trois terrains d’action pour l’avenir

Dans le futur, elles organiseront d’autres événements comme des rassemblements. Œuvrer à une mobilisation concrète dans la rue pour que les gens s’identifient à cette autre voix, qu’elle puisse exister, ici et sur les réseaux sociaux. Continuer de propager des messages de paix et de réconciliation sur ces réseaux semble essentiel à Hanna Assouline.

Elle a aussi le projet de retourner sur le terrain pour réaliser un autre film documentaire. Les histoires intimes, la possibilité de s’identifier à des individus lui parait plus forte que certains discours généraux.

Enfin, les Guerrières de la Paix sont également animées d’une volonté politique afin que les militant·es de ces pays puissent être reçues ici, que les solutions sur lesquelles elles travaillent depuis des années soient entendues et étudiées par les politiques. Les Guerrières de la Paix sont en train d’effectuer un important travail auprès de nos responsables, à l’Assemblée Nationale et au sein de l’Union européenne. Elles ont contacté plusieurs député·es, tout en ayant toujours refusé d’être affiliées à des partis politiques.

Là se situe leur actuel chantier, la lutte continue …

Catherine Benazeth 50-50 Magazine

Photo de Une: Hanna Assouline est la troisième à partir de la droite

 

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