Articles récents \ Chroniques Emilie en Amérique Latine : Maria Luisa la travailleuse
La « zona cafetera », enfin j’y suis. Depuis longtemps je me demande à quoi elle peut bien ressembler cette région, d’où provient une partie des grains de café que je bois chaque matin.
J’arrive dans la région de Caldas, au centre de la Colombie. A mon arrivée je pose mon sac à dos dans une « hacienda », une ferme de café qui propose quelques lits pour accueillir des voyageuses/voyageurs.
Un climat bien trempé
Côté climat, je ne suis pas dépaysée car la pluie est aussi présente qu’en Normandie, mais je reste sans voix devant ces montagnes verdoyantes. Ici, la nature respire à pleins poumons. On respire avec elle. Nichées à flanc de montagne, les cultures de caféiers se mêlent aux palmiers, aux bananiers, et à toutes sorties d’arbres fruitiers. La rivière apporte son brin d’humidité – comme s’il n’y en avait pas assez ! Je me demande bien comment les cafeteros peuvent travailler dans une pente si raide. C’est ici, au cœur de la plantation que je rencontre Maria Luisa en pleine cueillette, un panier à moitié rempli de fruits, fixé à la hanche. « J’ai commencé à récolter le café à l’âge de 8 ans »
Marta Lucia est originaire d’une famille de cafeteros. Elle vit au sein de « l’hacienda », la ferme de café. Elle y travaille avec son mari, cinq jours par semaine.
Marta Lucia récolte en moyenne 50kg de fruits par jour payé 900 pesos colombiens le kg, ce qui lui permet de gagner le revenu minimum colombien (240 euros par mois).
Elle est originaire d’Aguadas, à 4-5h de route d’ici. Ses enfants vivent là-bas, avec leur tante. Cela fait plusieurs années que Maria Luisa ne les a pas vus. A chacun sa technique pour la récolte du précieux fruit . En Colombie, la caféier a plusieurs floraisons, la récolte se fait à deux moments de l’année.
De septembre à novembre c’est la récolte la plus abondante. Ensuite d’avril à mai il y a la « traviesa », une récolte un peu plus modeste. J’arrive au bon moment, une grande partie des fruits sont bien rouges, prêts à être récoltés.
« Il existe différentes techniques pour récolter le café » m’explique Maria Lucia. Certain·es le récoltent à deux mains, il faut être habile pour ne pas que les grains tombent par terre. « D’autres, comme moi, préfèrent le ramasser à une main. C’est moins rapide mais plus sûr ». Tous les grains ne doivent pas être récoltés. Seuls les grains rouges sont matures, prêts à être séchés puis torréfiés avant d’être moulu. Les grains verts immatures, donneront au café une saveur amère. Sélectionnant fruit par fruit, les « recolectores » mènent ainsi un travail minutieux, chronophage et physique, dans les pentes raides de la montagne.
Maria Luisa est la seule femme aujourd’hui à récolter le café mais dans d’autres fermes de la région c’est le contraire, les femmes sont en majorité. Elle me confie qu’il y a une ambiance bienveillante et respectueuse ici.
Sous la pluie, nous nous saluons chaleureusement « hasta luego Maria Luisa ». Ma tasse de café matinale a désormais une saveur bien différente.
Emilie Porée 50-50 Magazine