DÉBATS \ Contributions Elections européennes 2024 : pour une Europe féministe !

Les droits des femmes, rempart et fer de lance de la démocratie européenne

Les citoyennes et citoyens d’Europe vont voter du 6 au 9 juin 2024. L’égalité de genre et les droits des femmes représentent une valeur constitutive de l’Union européenne [1]. Celle-ci doit s’ériger comme rempart contre la régression des droits et surtout poursuivre la promotion de l’égalité femmes-hommes dans toutes les politiques et programmes européens.

Si des avancées majeures en matière de promotion des femmes aux postes à responsabilité et de lutte contre les violences faites aux femmes ont été observées ces cinq dernières années, le contexte international actuel de recul des démocraties au profit de régimes autoritaires, ainsi que la prolifération des conflits et des violences de guerre, mettent à mal les droits humains et en premier lieu les droits des femmes. Ces menaces doivent encourager les gouvernements démocratiques à s’emparer d’autant plus de l’égalité comme fer de lance pour une Europe inclusive, juste et ambitieuse.

Le HCE appelle à une grande mobilisation, à la veille d’élections européennes cruciales. Il souhaite une action à deux niveaux : d’une part un projet ambitieux qui vise à garantir « le meilleur de l’Europe pour les femmes », d’autre part, dans l’immédiat, une consolidation de l’infrastructure institutionnelle de promotion de l’égalité et des droits des femmes au sein des instances de Bruxelles pour parer à toute régression et poursuivre les avancées encore tristement nécessaires.

Porter un projet ambitieux : garantir le meilleur de l’Europe pour les femmes

Le HCE soutient la clause de l’Européenne la plus favorisée [2], initiée par Gisèle Halimi et l’association Choisir la cause des femmes, permettant à chaque européenne de jouir des droits et législations les plus favorables des Etats membres.

Parmi les meilleures pratiques, la France vient d’inscrire l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans sa Constitution, une première mondiale, et demande son intégration dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE, comme l’ensemble des droits sexuels et reproductifs. L’Espagne est championne des dispositifs juridiques les plus favorables au respect des droits des femmes, notamment dans sa politique globale de lutte contre les violences conjugales et violences sexuelles (plus de 200 millions d’euros par an consacrés à cet arsenal législatif d’envergure) ainsi que ses dispositions liées au mariage et au divorce. La Suède est en pointe sur l’avortement, la lutte contre les stérilisations forcées, la fiscalité des couples, le congé parental ou les retraites.

Beaucoup d’autres pays sont à montrer en exemple pour certaines dispositions. La Croatie reconnait un statut de victimes civiles de violences sexuelles et de viol en temps de guerre, indemnise les victimes et les accompagne ; l’Allemagne a imposé la criminalisation de l’inceste sur enfants et sur adultes. Sur les droits sexuels et reproductifs, l’Estonie a adopté le meilleur système d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle, obligatoire tout au long de la scolarité dès l’école primaire. Les enseignant·es reçoivent des formations spécifiques pour mener des programmes suivis et structurés. Enfin, concernant les familles, le Danemark a mis en place le meilleur système de structures de garde d’enfants, assuré par les municipalités, gratuit pour les plus démunies, et accessible dès l’âge de six mois, permettant aux mères de ne pas être coupées du monde du travail.

Toutes ces législations et bonnes pratiques rassemblées en un bouquet législatif européen permettraient de faire véritablement progresser les droits des femmes, dans l’Union européenne et bien au-delà !

Consolider la place des femmes dans la gouvernance européenne

Afin que les enjeux d’égalité et droits des femmes soient mieux défendus, il est essentiel que l’UE instaure la parité dans ses institutions pour que les femmes participent à égalité dans les sphères de prise de décision. Le HCE souhaite que soient mises en œuvre les priorités suivantes dans chacune des quatre institutions de Bruxelles :

1. Au Parlement européen (PE) :Assurer la parité effective dans la prochaine législature, à tous les niveaux de responsabilité politique, en particulier dans les commissions
Donner un statut à part entière à la Commission des droits des femmes et de l’égalité des genres (FEMM)
Formaliser une organisation féministe interpartis pour assurer l’intégration de l’égalité dans les travaux du Parlement

2. Au Conseil des ministres : créer une formation spécifique égalité et droits des femmes à destination des ministres et secrétaires d’État pour que les questions d’égalité puissent être débattues régulièrement et négociées entre responsables du sujet.

3. A la Commission : assurer un collège paritaire, maintenir un poste de commissaire chargé·e de l’égalité, une taskforce égalité au Secrétariat général et un réseau renforcé de personnes coordinatrices de haut niveau.

Dans toutes les instances, l’intégration du genre (gender mainstreaming) imposée par les traités européens doit devenir une réalité, en particulier dans les domaines suivants :
Budget : inscrire des objectifs d’égalité, s’assurer de leur respect pour l’octroi de financements européens et mettre en œuvre des budgets annuels sensibles au genre dans les perspectives financières 2028-2033
Ecologie : évaluer les conséquences spécifiques sur les femmes des initiatives visant à la protection de l’environnement et l’adaptation au changement climatique (notamment la PAC et le Pacte Vert)
Technologie : veiller à une meilleure représentation des femmes dans les activités de régulation et de promotion des avancées technologiques, y compris l’intelligence artificielle
Economie : mesurer les impacts sur les droits des femmes des politiques économiques et du commerce extérieur
Politique migratoire : accueillir les réfugiées et garantir le droit d’asile aux femmes victimes de persécutions et de violences en raison de leur sexe et de leur appartenance à un groupe social.[3]

4. Au Service Européen pour l’Action Extérieure (SEAE) : adopter une politique étrangère féministe européenne, ou diplomatie féministe, en renforçant la solidarité à l’égard des organisations de la société civile et des défenseuses des droits et en posant la non-discrimination envers les femmes et l’orientation sexuelle comme précondition de toute négociation avec les pays tiers ; en augmentant les financements dédiés au renforcement de l’égalité dans toutes les politiques extérieures de l’UE ; en atteignant la parité aux niveaux décisionnels de la diplomatie européenne et en mettant en œuvre l’agenda « Femmes, paix et sécurité » dans la politique de sécurité et de défense commune.

L’élection européenne est l’occasion d’une prise de conscience par l’ensemble des candidat·es des enjeux d’égalité femmes-hommes. Le HCE attend que la prochaine législature soit marquée par des avancées majeures qui améliorent concrètement la vie des Européennes.

Haut Conseil à l’Egalité

[2] Nouvelle édition actualisée de La Clause de l’européenne la plus favorisé. Choisir la cause des femmes. Editions des Femmes (16/11/2023).
[3] Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, CJUE janvier 2024
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