Chroniques Emilie en Amérique Latine : Jessica l’invincible

Dans la même ferme où j’ai rencontré Maria Luisa, il y a quelques habitations pour accueillir des voyageurs. Je rentre de ma journée riche en rencontres et apprentissages sur la culture du café. Jessica et Paco (le cochon mascotte) m’accueillent, « bienvenidos a la casa ».

L’exil

Jessica a 23 ans. 20 ans plus tôt, son père a été séquestré par un groupe armé. Comme de nombreux colombiennes, sa famille a été forcée de s’exiler, laissant derrière elle, la maison familiale et une vie entière de souvenirs. « Nous sommes arrivés à Manizales, à 5h de route de là où nous habitions ».

Une nouvelle vie

« Rapidement, mon père a travaillé dans une ferme, récoltant le café » se souvient Jessica qui le rejoignait après l’école et l’aidait à ramasser les fruits. Il y a 12 ans, un cancer a emporté le père de Jessica. Une fois de plus, la famille, solidaire et invincible s’est débrouillée pour travailler, encore plus, et subvenir aux besoins essentiels.

La gardienne des lieux

A 23 ans, Jessica est à la tête de l’auberge. Elle seule accueille les voyageurs, les conseille, prépare les repas, entretient les lieux, tout cela du matin au soir. Jessica, le regard franc, me raconte comment elle a réussi à obtenir ce poste, « cela n’a pas été facile, j’ai passé plusieurs entretiens avec les patrons. Et puis je crois que mon profil leur a plu, débrouillarde, polyvalente et sociable, les critères parfait pour ce poste ».

Le goût du voyage et de l’aventure

Jessica adore découvrir de nouveaux horizons. Avec son copain vénézuélien Gilbert, elle/il parcourent à moto les environs de Manizales. Jessica et lui habitent ensemble dans l’hacienda. Gilbert est guide et propose aux voyageuses/voyageurs des sorties pour observer les oiseaux ou encore les visites de la ferme de café. Jessica souhaiterait découvrir des horizons plus lointains, « grâce aux voyageurs comme toi, je discute, je ferme les yeux, et je me crois en France. Finalement j’ai beaucoup voyagé ces derniers mois » plaisante elle, laissant enfin se dessiner un sourire sur son visage.

Son rêve

L’expérience à l’hacienda est enrichissante. « Ici, j’apprends chaque jour » m’avoue Jessica. Son rêve, dans quelques années, c’est de retourner sur les terres de Gilbert au Venezuela, d’acheter un lopin de terre et d’accueillir quelques voyageuses/voyageurs dans leur auberge. Jessica, le sourire aux lèvres et les yeux rêveurs songe « avoir un potager, quelques vaches, pour préparer des plats 100% locaux aux visiteurs ». Jessica sera loin de sa famille, mais dans le fond elle fait ça pour l’aider, car elle pourra leur envoyer de l’argent et avoir une vie meilleure.

Une nouvelle trajectoire

J’ai gardé le contact avec Jessica, nous nous écrivons régulièrement. Il y a quelques jours elle m’a appris qu’elle avait rompu avec Gilbert et ne travaillait plus à l’hacienda. Une nouvelle épreuve sur son chemin. Sa vie ressemble à tout sauf à un long fleuve tranquille, et ça Jessica le sait depuis ses 3 ans. Rebondir, trouver des solutions, aller de l’avant. Elle sait faire. Je ne doute pas une seule seconde que bientôt, sa vie prendra une nouvelle direction, remplie de projets inspirants et ambitieux.

Emilie Porée 50-50 Magazine

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