Non classé Farida : La force au jour le jour
Elles ont une énergie qui décoiffe. Du courage. De la générosité. De l’intelligence. Un peu, beaucoup, passionnément, parfois à la folie. Des femmes ordinaires et extraordinaires à la fois. Comme on en connaît et comme on en croise tous, pas dans les films et dans les romans, mais dans la réalité, dans la vie, au détour de nos chemins. Elles nous étonnent, nous interpellent, nous époustouflent. Ce sont les héroïnes du quotidien.
Farida a 40 ans. Elle a quitté l’Algérie il y a une dizaine d’années pour échapper à un mariage forcé. Là-bas, elle était institutrice. Ici, elle est caissière dans une supérette.
Là-bas, elle a sa famille, ses amis, son soleil. Ici, elle habite Villetaneuse et travaille à Paris. Elle a trois jeunes enfants et un mari qui travaille dans le bâtiment, sur des chantiers parfois très éloignés de leur domicile.
Une journée type ? Levée à 6 heures pour que tout soit prêt quand elle réveille les enfants, elle les prépare seule car le mari part à l’aube. Elle en accompagne deux à l’école du coin, puis prend le bus pour accompagner le plus jeune à la crèche.
Ensuite seulement, elle reprend le bus puis le métro pour se rendre à son travail. A 17 heures, elle refait tous ces trajets dans l’autre sens. Le métro, le bus, la crèche, le bus, l’école, la maison ; avec souvent l’inévitable détour pour faire les courses. Il arrive que l’un des trois enfants tousse, ou qu’il ait de la fièvre. Elle fait alors la queue au centre médical puis passe par la pharmacie, avec les trois enfants. Ensuite les bains, le repas, les lessives, le rangement. Le petit pleure encore la nuit de temps en temps. Les nuits sont courtes et le lendemain arrive très vite.
Farida ne se plaint pas, bien au contraire. Elle est joyeuse, curieuse de tout et de tous. Elle connaît le prix de la liberté et considère qu’elle a de la chance : son mari et elle ont du travail, les enfants poussent bien, on la complimente sur leur éducation. Depuis peu, elle s’est mise à lire dans le métro. Elle a moins l’impression de perdre son temps et puis… elle a fait des études. En Algérie, elle était instit’. Mais ici, ces diplômes ne valent rien… Au moins, elle ne se laisse pas engloutir par le quotidien.
Ce quotidien, justement, qui fait de Farida une héroïne de tous les jours. De l’énergie, du courage, de l’optimisme. Elle, elle dit juste avec un haussement d’épaules modeste que c’est normal…
Danielle Michel-Chich — EGALITE