DOSSIERS \ Le mouvement francais pour le planning familial a 60 ans, le bel âge \ France \ Politique Une après-midi à l’accueil IVG du Planning Familial

Le centre du Planning Familial rue Hittorf dans le 10ème arrondissement ouvre ses portes tous les mercredis, de 16h à 19h. Des conseillères du centre accueillent gratuitement et sans rendez-vous les personnes souhaitant avoir des informations concernant l’avortement, la contraception et la sexualité. La majorité des personnes accueillies sont des jeunes femmes de 16 à 30 ans.

Nous avons rencontré ces jeunes femmes désirant faire un test de grossesse, prendre la pilule en urgence ou renouveler leur contraception. Nous avons également rencontré les femmes et/ou couples qui font face à une grossesse involontaire et cherchent à être écouté-e-s et informé-e-s. Depuis 60 ans déjà les conseillères épaulent, déculpabilisent et orientent les personnes souhaitant recourir à l’IVG.

Martine va chercher une jeune fille qui patiente dans la salle d’attente. Elle a 18 ans. Pétillante et loquace, elle fait part à la conseillère de son inquiétude concernant son oubli de pilule le mois dernier. Elle aimerait faire un test de grossesse pour «se rassurer essentiellement», dit-t-elle. Martine lui en donne un, mais sent avant tout qu’elle a besoin de se confier. La jeune fille admet ne pas comprendre pourquoi ses règles sont, chaque mois, de moins en moins abondantes. Elle prend la pilule depuis un an. La conseillère du Planning lui explique alors que « la pilule met les ovaires au repos.» Puis, en continuant toujours à questionner adroitement la jeune fille, elle arrive à comprendre qu’elle n’a pas la possibilité de se rendre chez le gynécologue et que son ordonnance de pilule touche à sa fin. Martine lui propose spontanément de lui faire une ordonnance. La jeune fille a l’air soulagé : «mes parents ne sont pas au courant. Ils ne seraient pas contents d’apprendre que j’ai des rapports

Martine attentive et souriante ne la laisse pas pour autant repartir tout de suite. Elle lui pose une première question sur sa relation «ça fait combien de temps que tu le vois ? Est-ce qu’il y a des problèmes parfois avec lui ?» Tout va bien pour la jeune fille, Martine ne décèle pas de risques de violences. Elle lui demande ensuite si elle est à jour au niveau des tests du sida et autres MST. La jeune fille hésite et finit par déclarer «je n’ai jamais réussi à y aller, je n’ai pas cherché midi à 14h.» Martine ne lui fera pas la morale. Elle lui indiquera simplement des centres où se faire dépister en lui disant simplement «ce serait bien que vous le fassiez tous les deux.» Pour finir, la jeune fille souhaite évoquer avec Martine les dangers qui pèsent sur le mouvement : «si on supprimer ça [le Planning Familial], nous, les jeunes, on serait perdu-e-s.»

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Une jeune fille de 25 ans se présente. Elle est discrète, parle d’une voix fluette et ne semble pas très à l’aise face à Marianne, la toute jeune conseillère. Elle ne se rappelle plus comment elle est tombée enceinte. Elle vient de «se réveiller» d’une phase maniaque, selon ses propres mots. Elle explique à Marianne qu’elle est bipolaire : «c’est comme si une autre personne s’installait dans mon corps pendant plusieurs semaines». Elle raconte un peu dépitée qu’elle avait «lapidé son compte bancaire la dernière fois. Cette fois-ci, c’est autre chose.» Réalisant que ses règles tardaient à venir, elle a fait un premier test de grossesse. Puis deux autres. Elle n’y croyait pas, mais à chaque fois les tests étaient positifs.

Tout d’abord, Marianne s’assure qu’elle est suivie par un psychiatre. Ensuite, elle prend «sa réglette magique» pour déterminer en fonction de la date de ses dernières règles les choix qui s’offrent à elle pour avorter. Au-delà de neuf semaines, seule la méthode chirurgicale est possible. Elle s’effectue souvent à l’hôpital, plus rarement en cabinet. Mais Marianne sort une liste de médecins réactifs qui pourraient prendre en charge la jeune patiente directement à leur cabinet. En-dessous de ce terme, la méthode médicamenteuse est possible. Elle peut être prise en charge directement par les équipes du centre du Planning Familial avant sept semaines d’aménorrhées.

Pour déterminer avec précision l’avancement de sa grossesse, la jeune femme doit faire une échographie. Marianne lui fait alors une prescription, et une autre pour connaître son groupe sanguin. La jeune femme, timide, ne parle plus beaucoup. Marianne sent qu’elle est troublée. Elle lui demande si elle a peur. La jeune femme lui répond «oui, ça me fait un peu peur. Que ça fasse mal et d’en être arrivée là sans m’en rendre compte.» Marianne la rassure sur la douleur et sur les effets secondaires «il n’y a pas de grosses inquiétudes à avoir, et il faut faire attention car les personnes anti-IVG investissent énormément le net». La jeune femme rétorque en riant «oui, je crois que je suis tombée sur ce genre de site.»

Avant de la laisser repartir, Marianne s’assure qu’elle est bien entourée et qu’elle a des ami-e-s qui peuvent l’accompagner. Elles finissent par parler un peu plus afin que la jeune femme se sente suffisamment en confiance pour pouvoir revenir. Marianne lui fait d’ailleurs savoir qu’elle peut leur écrire ou venir leur raconter comment ça s’est passé «ça aide ensuite les autres femmes ; nous pouvons les conseiller sur tel ou tel endroit

Dès que Marianne eut fini de raccompagner la jeune femme enceinte de 25 ans, elle s’approche d’une jeune fille élancée qui attend debout dans le couloir. Elle vient pour un test de grossesse. Elle dit avoir seulement quelques jours de retard dans ses règles. Marianne lui explique comment fonctionne le test de grossesse. Puis elle lui demande «quelle serait ta réaction si le test était positif ?» L’expression du visage de la jeune fille parle d’elle-même. Marianne lui demande si «ce serait l’horreur.» La jeune fille répond en souriant «oui, ça tomberait vraiment mal en ce moment

Elle a l’air déjà sûre de sa décision: elle «ne le garderait pas.» Quelques minutes d’attente passent. Le test est négatif. La jeune fille est soulagée, mais demande tout de même s’il peut y avoir une erreur dans le résultat. Marianne répond par la positive mais tempère rapidement en lui disant qu’à son âge il peut être normal d’avoir quelques jours de retard sans pour autant être enceinte. Elle lui propose de prendre un autre test de grossesse à faire chez elle dans une semaine, lui demandant toutefois de ramener le test de grossesse si ses règles venaient avant.

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En repartant, elle croise une jeune femme de 29 ans qui attend silencieusement qu’une conseillère vienne à elle. Elle habite dans le Val d’Oise et, dans l’urgence, elle n’a pu être accueillie qu’à une heure de chez elle à Paris. Lorsque Martine propose de la recevoir, la jeune femme annonce d’une voix blanche «je suis à 16 semaines.» Elle sait déjà qu’elle ne peut plus avorter en France. Elle n’en a plus le droit, le délai légal étant fixé à 12 semaines.

Martine lui dit qu’il est possible d’avorter à l’étranger. Aux Pays-Bas, où le délai légal a été fixé à 22 semaines, il est possible de prendre rapidement rendez-vous dans une clinique prenant exclusivement en charge des IVG. «Les retours sont très bons. La clinique est très bien équipée, et le personnel qualifié.» Martine lui explique qu’il est encore temps de prendre rapidement rendez-vous pour que l’intervention chirurgicale se passe en une seule fois. A partir de 18 semaines, elle se déroule en deux fois. La prise en charge étant plus longue, l’IVG peut être vécu de manière plus douloureuse.

Avorter à l’étranger coûte cher. Dans la clinique située à quelques kilomètres de La Haye, le coût est  de 590 €. La jeune femme demande si le personnel parle français. «Anglais, oui, mais français pas forcément. Ils permettent par contre aux Françaises d’être avec d’autres Fançaises.» Martine explique que l’opération est très rapide. En fonction de son état, elle pourra repartir en France le jour même, ou rester à la clinique en observation. Quoiqu’il advienne, une visite de contrôle avec un médecin en France sera organisée.

L’indécision de la jeune femme est toutefois palpable. Martine lui pose la question de savoir si elle a déjà pris sa décision. Elle dit avoir «peur de regretter dans les deux cas.» En couple depuis cinq mois avec un jeune homme de 24 ans, ce dernier ne se sent pas prêt à assumer l’éducation d’un enfant. La jeune femme explique qu’ils ont du mal à communiquer. Martine lui conseille alors de revenir dès le lendemain au Planning Familial avec son ami afin de «libérer la parole.»

Elle essaye ensuite de savoir si elle est suffisamment soutenue par son entourage et ce qu’il dirait si elle prenait la décision d’avorter. La jeune femme explique qu’elle «n’assumera pas»? elle annoncera qu’elle «a fait une fausse couche.» Martine n’est pas là pour pousser la jeune femme à avorter, elle est là pour l’aider à prendre la décision qui lui convienne le mieux. Aussi, elle prendra le soin de lui rappeler que «pour que l’IVG soit bien vécu, il faut que ce soit clair.»

Sa mission est également d’amener petit à petit les hommes à s’engager et s’investir davantage dans cette décision. Car, c’est un fait, les hommes restent pour beaucoup absents des couloirs du Planning.

Marina Verronneau 50-50 magazine

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