DOSSIERS \ L'égalité filles/garçons, ça commence à la crèche "Des hommes et des crèches"

Mike Marchal est le président et fondateur de l’Association pour la Mixité et l’Egalité dans la Petite Enfance (AMEPE). Pour lui, « il faut se battre contre l’idée que les compétences professionnelles seraient « naturelles ». »  Son association se bat effectivement pour appuyer l’établissement d’équipes mixtes et pour proposer d’autres modèles d’accueil. Promouvoir la place des hommes dans la petite enfance, c’est faire de la diversité des profils une richesse et lutter en profondeur contre les stéréotypes de genre.  

 
Le parcours d’un homme dans le secteur de la petite enfance
En 1992, alors qu’il est objecteur de conscience et qu’il doit s’engager en service civil dans le secteur public ou associatif, Mike Marchal commence à travailler dans une crèche parentale.  » A cette époque, je me cherchais professionnellement, j’avais essayé l’architecture, le théâtre, la sociologie !  » raconte-t-il. Le premiers mois de formation ont été difficiles car il découvrait un nouveau secteur dans lequel il était le seul homme, dans lequel il était souvent renvoyé à ce qu’il ne savait pas faire. Grâce notamment aux parents bénévoles, qui participent à l’organisation de ce type de crèche, Mike Marchal a vite appris et a bénéficié de conseils qui l’ont aidé à « persévérer« .
Après son service civil, Mike suit une formation d’éducateur de jeunes enfants puis obtient un Diplôme Supérieur en Travail Social.  » Travailler avec des jeunes enfants, c’est être dans la réalité instantanée, (ré)apprendre à être présent psychiquement et physiquement. On apporte des choses aux enfants, comme les soins et l’accompagnement, et on apprend beaucoup sur soi-même « , voila pourquoi Mike a trouvé dans le secteur de la petite enfance une véritable vocation, en rajoutant aussi que l’on se sent  » utile !  »
Son entourage a très bien réagi lorsqu’il a continué à travailler dans des crèches parentales, puis ensuite dans des crèches familiales. Il a longtemps travaillé en temps qu’éducateur en accompagnant « les assistantes maternelles dans un métier périlleux où se mêlent le privé (leur famille, leur domicile, leur expérience maternelle) et le public (leur lieux de travail, l’accueil des familles et leurs compétences). » Puis en tant que responsable en halte garderie, il a pu soutenir les parents qui vivent des tensions entre leur parentalité et leur vie professionnelle.
Depuis 2013, Mike Marchal est formateur à l’Ecole de Formation Psychopédagogique (EFPP). Alors que les hommes sont largement minoritaires parmi les étudiant-e-s de l’école, il est rattaché au projet « mixité » et organise des groupes non mixtes pour soutenir les étudiants et réfléchir sur l’égalité professionnelle. Ayant travaillé depuis plus de 20 ans dans le domaine de la petite enfance, il raconte ne pas avoir rencontré de freins parce qu’il était un homme,  » peut-être parce que j’ai peu travaillé en relation directe avec les enfants «  explique-t-il. Il a tout de même constaté très vite l’existence d’une  » ségrégation professionnelle  » dans le domaine de la petite enfance, état de fait qui l’a amené à être formateur sur les questions de mixité et à déposer les statuts d’une association, l’AMEPE.
 
Quelle place ont les hommes dans le secteur de la petite enfance ?
L’étude de janvier 2014, intitulée « Lutter contre les stéréotypes filles/garçons » et commandée par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective rattaché au Premier Ministre, souligne un héritage « maternaliste » dans le secteur français de la petite enfance. Les hommes représentent donc 1,3 % à 1,5 % dans le « secteur de l’accueil et de l’éducation des jeunes enfants », chiffre qui monte à 3% lorsque l’on considère les structures collectives et l’accueil des 0 à 6 ans. Lorsque l’on compare avec la Norvège qui affiche 12 %, la France fait mine de mauvais élève en la matière.
Quels sont les freins identifiables ? Mike Marchal rapporte que les actions de son association n’ont pas suscité d’opposition ni de réticence directe. Par contre, la réticence de voir des hommes dans les métiers de la petite enfance existe bel et bien. De nombreux professionnels témoignent de situations compliquées, racontent avoir été questionnés par leurs employeuses/employeurs ou leurs collègues sur les  » raisons réelles de leurs motivations.  » Cela arrive que l’on demande aux professionnels de ne pas faire certaines choses comme rester auprès des enfants pendant la sieste, être trop proche d’eux physiquement, (…), sans doute pour ne pas éveiller de méfiance. Selon Mike Marchal, il est certain que ces comportements empêchent les hommes de s’orienter dans le secteur de la petite enfance.
 
L’Association pour la Mixité et l’Egalité dans la Petite Enfance (AMEPE)
Pourquoi avoir créé l’AMEPE ?  » Parce qu’il fallait prendre le taureau par les cornes ! Sur cette question-là, si on ne fait rien, si on attend que ça avance tout seul, ça ne mènera à rien ». En Allemagne et dans les pays scandinaves, ces questions sont plus avancées et des programmes ont été mis en place, à l’instar de celui qui a été initié par le professeur allemand Tim Rohrmann intitulé « Plus d’hommes dans les crèches ». L’AMEPE est une association mixte. même si la direction est masculine et si ses membres défendent l’établissement de temps de réflexion non mixtes. On  y trouve tous les profils professionnels du personnel de la petite enfance.
 
Amepe photo
 

Les objectifs de l’AMEPE :
1- Promouvoir la mixité et l’égalité professionnelle dans le secteur de la petite enfance
2- Lutter contre les stéréotypes de genre
Il y a de nombreux avantages à développer la place des hommes dans ce secteur majoritairement féminin. D’une part, cela participe à la construction de l’égalité par la destruction de fait d’un important stéréotype de genre : les hommes n’ont pas de propension naturelle au soin des enfants contrairement aux femmes ! L’association propose de favoriser les équipes mixtes dans les crèches, ce qui participe à la mise en place de jeux non genrés par exemple et facilite une égale considération des pères et des mères. Il s’agit aussi de « créer d’autres modèles » dans les esprits des enfants et des parents. Il est important de montrer aux jeunes enfants des hommes compétents, capables de s’occuper d’enfants, et de montrer aux mères qu’elles peuvent se décharger et faire confiance à des hommes, et peut être, par ricochet, donner un rôle plus actif aux hommes à la maison.
Les actions de l’AMEPE
1- Animer un réseau de professionnel-le-s et d’étudiant-e-s
2- Informer pour accroître la visibilité des hommes
3- Mettre en place des outils pour appuyer leur intégration dans le secteur, et d’organiser des formations et événements.
A la suite d’un voyage d’études en Norvège au cours duquel certains membres de l’AMEPE ont pu constater une plus grande présence d’hommes travaillant dans le secteur de l’enfance (de 0 à 6 ans), « les Norvégiens atteignent la parité dans certains jardins d’enfants ! », l’association a décidé d’organiser en janvier 2017 un événement pour mettre en lumière la situation de la France en comparaison avec d’autres pays d’Europe.
 
Charlotte Mongibeaux 50-50 magazine
 
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