Articles récents \ Île de France \ Société Pour Femmes Solidaires 93, « le tissu associatif n’a pas vocation à remplacer les carences de l’État »

Femmes Solidaires est une association féministe et laïque, qui défend des valeurs universelles d’égalité femmes/hommes, de justice sociale et de sororité entre les femmes du monde entier. En Seine-Saint-Denis, c’est le comité départemental Femmes Solidaires 93 qui apporte un soutien quotidien aux femmes, et les accompagne dans leur lutte pour leurs droits, notamment face aux défis soulevés par la pandémie.

C’est à Bobigny que se trouvent les locaux de Femmes Solidaires 93, qui lutte pour les droits des femmes de la Seine-Saint-Denis, « surreprésentées parmi les personnes en conditions de survie », explique Josselyne Ducrocq, présidente du comité. Présente sur de nombreux fronts, l’association se bat notamment pour garantir aux femmes un accès aux droits. Cette année par exemple, elle a mené une action avec un grand nombre d’associations comme la Cimade et le réseau Éducation sans frontières contre la dématérialisation des rendez-vous pour obtenir des titres de séjour, un véritable obstacle pour de nombreuses/nombreux habitant·es. Comme l’explique Josselyne Ducrocq, « il faut déjà avoir un ordinateur, savoir s’en servir et lire le français. » Les femmes en particulier ont des difficultés à prendre rendez-vous, car elles doivent aussi s’occuper des enfants et sont la plupart du temps seules à le faire. L’association a organisé un rassemblement le 11 mars 2020 devant la préfecture et a continué ses actions pendant le confinement sous la forme de courriers, de pétitions et d’actions médiatiques. Elle a notamment demandé la libération des femmes retenues dans les centres de rétention, pour qui il était impossible de respecter les recommandations sanitaires, d’être à un ou deux mètres les unes des autres.

Femmes Solidaires 93 travaille également avec les femmes victimes de violences. L’association propose des permanences d’écoute et de conseils juridiques afin qu’elles puissent être prises en charge et mises à l’abri par les structures comme SOS Femmes 93. Pendant le confinement, un accueil téléphonique a été assuré bénévolement par une avocate adhérente, des permanences qui se sont avérées utiles et nécessaires. La présidente précise : « Nous avons été contacté·es par moins de femmes que ce que nous pensions, mais quand elles l’ont fait, leurs situations nécessitaient des protections très rapides. »

Le 20 mai 2020, le comité départemental a adressé un courrier aux parlementaires pour alerter sur les conditions de vie des femmes du département pendant la pandémie. Reprenant Simone de Beauvoir, Josselyne Ducrocq rappelle qu’en « temps de crise ou de récession, les premières victimes sont les femmes ». L’aide alimentaire et les problèmes financiers ont été et restent la première urgence. Femmes Solidaires 93 n’est pas intervenue à l’échelle départementale mais à travers ses comités municipaux qui ont mis en place des distributions de repas. Les bénévoles ont aussi été marqué·es par la grande détresse des populations. « Les jeunes me disaient avoir été surpris de voir des personnes arriver en pleurant. Ces personnes avaient aussi peur d’être malades, de ne pas trouver de place dans un hôpital… », raconte-t-elle. Les militant·es féministes craignent par ailleurs que certaines femmes, face à la misère, n’aient recours à la prostitution, un sujet encore tabou qui émerge dans les débats et auquel s’intéresse l’association. Femmes Solidaires 93 fait beaucoup  de prévention de la prostitution chez les jeunes, notamment avec l’Observatoire départemental des violences envers les femmes.

Le rôle de l’État face aux inégalités

Dans la lettre de Femmes Solidaires 93, on peut lire que « le tissu associatif n’a pas vocation à remplacer les carences de l’État ». Josselyne Ducrocq déplore l’explosion des inégalités, le peu de réponses apportées ainsi que les « positionnements politiques qui ont grandement dégradé le vivre-ensemble », mais aussi le décalage entre discours officiel et réalité. « Des lois correctes rétablissent les femmes dans leur dignité et dans leurs droits, mais il n’y a pas de financements. La loi de 2010 contre les violences faites aux femmes dit beaucoup de choses formidables, mais elle n’est pas appliquée. »

Femmes Solidaires 93 n’a pas reçu beaucoup de réponses à cette lettre, mais celles qu’elle a reçues viennent des parlementaires qui ont le même positionnement et qui abordent depuis longtemps la question des inégalités. Les associations et leur travail dépendent en effet grandement des décisions et orientations politiques, qui conditionnent les partenariats et les aides financières. Pour la présidente du comité, les élections municipales à venir vont être déterminantes, puisque « les politiques d’aide aux femmes sont plus ou moins bien construites, suivies et acceptées selon la couleur de la municipalité ».

Si Josselyne Ducrocq est inquiète, elle observe aussi de réelles avancées : « cela fait cinquante ans que je suis militante pour faire avancer les droits des femmes et je suis contente. Il y a une certaine évolution des mentalités, une convergence des prises de position, des luttes. » Elle raconte recevoir de plus en plus d’encouragements, ce qui n’était pas le cas il y a vingt ans. « C’est bien ce que vous faites, continuez », entend-elle de plus en plus souvent. Le travail de Femmes Solidaires 93 porte ses fruits, une prise de conscience s’opère.

Lou Cercy 50-50 magazine

Découvrir l’association nationale : Femmes Solidaires 

Lire plus : En Seine St Denis, l’enfer pour obtenir un titre de séjour

print