DOSSIERS \ Après #metoo, avons-nous plus d'alliés pro-féministes ? Eric Piolle : « l’égalité femmes/hommes doit être prise en compte pour les changements à pratiquer dans la ville »

Force est de constater que le nombre d’hommes et de femmes politiques affirmant que le féminisme est un projet de société et un vecteur de progrès social et humain est extrêmement limité, plus limité encore le nombre de celles et ceux qui mettent en œuvre des mesures pour un changement immédiat. Le Maire EELV de Grenoble Eric PIOLLE a un vrai programme en faveur de l’égalité femmes/hommes, pourrait-il en inspirer d’autres ?

Qu’est-ce qui vous a mené au féminisme ?

Je me considère comme un féministe naturel : j’ai suivi les combats de ma mère qui a du conquérir son droit à travailler et à avoir son propre chéquier, et puis ceux de mes sœurs.

Actuellement, dans la sphère professionnelle, on se rend compte du carcan genré, et de la perte de diversité qui enferme encore femmes et hommes dans ce domaine. La domination  patriarcale appauvrit encore terriblement le monde professionnel.

J’ai trois filles très féministes qui m’ont aussi influencé, l’une d’entre elles a été vraiment déçue par le fait que Ségolène Royal ait perdu contre Sarkozy en 2007.

Actuellement, les comptes Instagram décortiquent tous nos agissements, cela me permet de m’informer et de me remettre en question car j’ai malgré tout un passif en terme d’éducation. On doit le travailler, le remettre en question, grâce aux discussions avec les ami·es, aux échanges sur ce qui peut changer la donne.

Même si on baigne dans une culture féministe on a encore des efforts à faire. Chaque génération a ses combats. En ce moment, l’écriture inclusive en est un.

Quels livres de femmes vous ont le plus marqué ? 

J’ai aimé ceux de l’anthropologue Françoise Héritier et de l’historienne Michelle Perrot, et également des livres de militantes féministes rencontrées lors du salon du livre. J’ai aussi apprécié l’essayiste Mona Chollet qui décortique assez bien les oppressions encore en cours actuellement et les injonctions faites aux femmes.

Pour moi le féminisme est un vecteur d’émancipation pour tous et toutes et une avancée pour le progrès social. Je me suis prononcé pour un congé de naissance obligatoire identique pour femmes et hommes car il est très structurant pour les hommes. C’est un facteur de changement puissant menant vers l’égalité réelle. La France a pris beaucoup de retard là-dessus en comparaison avec l’Espagne et les pays nordiques.

Pouvez-vous nous parler de vos propositions pour les droits des femmes à Grenoble ?

Nous avons conçu des « Safe zones » dans le centre ville qui limitent les agressions des femmes. Par exemple dans les transports en communs : nous avons créé une mise en valeur du bouton d’appel. Dans le domaine de l’aide à l’hygiène des femmes précaires, nous assurons des distributions de protections périodiques gratuites, nous avons rendu cette action pérenne. Ces mesures sont déjà en place. Celles en cours concernent l’éclairage public renforçant la sécurité, les pistes cyclables rendues plus faciles pour les femmes et enfin nous allons dégenrer les cours d’école.

Ces derniers projets ont créé le débat avant d’être mises en place. La polémique a amené des angles nouveaux de réflexions. Nous avons désormais des grilles de lecture qui nous sortent d’un espace pensé par des hommes pour des hommes. C’est nécessaire car il y a encore des personnes qui pensent que ce n’est pas un sujet, et n’y voient ni la nécessité ni les conséquences positives sur la vie des femmes.

La mesure qui consiste à dégenrer les cours d’écoles est la plus onéreuse, cependant, elle offre beaucoup de bienfaits : en végétalisant, on dégenre, le foot n’est pas privilégié, le lien avec la nature est créé, on favorise toute la diversité d’activités et bien sût la dimension filles/garçons est prise en compte. La réflexion a fait que tout le monde peut trouver sa place dans la cour d’école.

Nous avons fondé la première école de foot féminin en France. Nous en sommes très content·es et ce n’est pas toujours évident d’en faire la promotion auprès des filles et des parents.

Enfin, nous  avons bien avancé sur le sujet des stéréotypes grâce aux militantes de l’équipe. Nous essayons de passer au crible la communication dans la ville pour qu’ils disparaissent de toutes les productions écrites.

 Votre opinion sur les ABCD de l’égalité mis en place en 2013 ?

Le principe semblait intéressant, je l’ai surtout vécu par le biais de ma mère et j’ai vu les résistances réactionnaires.

Quelles sont les formations proposées contre les stéréotypes et pour l’égalité femmes/hommes ?

Nous avons une équipe dédiée qui s’en occupe avec principalement : Chloé Le Brett,  conseillère déléguée à l’égalité des droits, Pierre Mériaux, adjoint au personnel et Antoine Fléchet, conseiller municipal délégué à la petite Enfance.

Elle/ils mettent en place des formations régulières pour les agent·es municipales/municipaux, des actions contre le harcèlement, des actions par le théâtre de rue qui sont très efficaces. En effet, les gens sont vraiment interpelés : c’est une sorte d’éducation populaire.

Nous avons aussi effectué des changements dans le répertoire des noms de rue, nous avons introduit des noms de femmes. Ceci est très important pour les modèles et les projections pour les filles.

Ces actions seront-elles rapidement effectives ?

Nous avons très rapidement mis en place les safe zones, le doublement des places en crèche ainsi que les alertes anti-harcèlement dans les transports.

Dégenrer les cours d’école prend beaucoup plus de temps : une première a été faite cet été. Le budget total est de 500 000 € et il y a 77 écoles donc c’est un budget de 30 millions d’€. Nous ne pourrons finaliser ces projets très vite vu le coût.

Nous avons quelqu’un en charge de la petite enfance qui pourrait aussi s’occuper des égali-crèches en parallèle.

Quels conseils pratiques pourriez-vous donner aux hommes et femmes politiques pour l’égalité femmes/hommes ?

On doit considérer aujourd’hui que c’est un facteur de transformation sociale et que l’égalité femmes/hommes doit être prise en compte pour les changements à pratiquer dans la ville. Ceci doit être une priorité car c’est un vrai sujet de société.

Un conseil individuel à tous les hommes pour comprendre la nécessité du féminisme ?

S’inscrire à un compte Instagram féministe par exemple comme Pépite sexiste pour se rendre compte de la réalité et du quotidien des femmes.

Propos recueillis par Roselyne Segalen 50-50 Magazine

Programme d’Eric Piolle : objectif égalité 

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