Brèves \ Non classé Solidarité Femmes introduit un référé pour obtenir l’annulation du marché public contre le 3919

Pendant des mois la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) a demandé au gouvernement de renoncer à l’ouverture d’un marché public pour la gestion du 3919, la ligne nationale d’écoute des femmes victimes de violences. Face à l’entêtement du gouvernement d’ouvrir un marché public, la FNSF a décidé d’introduire ce jour un référé précontractuel devant le Tribunal administratif de Paris pour obtenir son annulation. La FNSF et ses 73 associations membres ont décidé également, en conséquence, de ne pas soumissionner à l’appel d’offres.

Courant 2020, la FNSF a multiplié les démarches auprès du gouvernement pour qu’il renonce à transformer le 3919, qu’elle a créé depuis 2007 et qui lui appartient, en marché public. Parlementaires, élu.e.s de plusieurs collectivités territoriales, personnalités féministes, associations, citoyen.ne.s ont fait pression par le biais de questions orales ou écrites, de tribunes, de communiqués et d’une pétition qui a recueilli 65 000 signatures. Tou.te.s ont alerté sur le fait que ce marché public risquait de réduire la qualité du soutien apporté aux femmes victimes de violences, une hypothèse inacceptable.

Sur le plan juridique, contrairement à ce que soutient le Gouvernement, la passation d’un marché public pour la gestion du 3919 n’a en réalité aucun sens. Le versement des subventions est très encadré, excluant tout risque de requalification. La FNSF pourrait donc continuer à bénéficier d’une subvention dont elle réclame la revalorisation pour renforcer son accompagnement. « La poursuite de la gestion du 3919 grâce aux subventions de l’Etat est parfaitement légale. La loi exclut formellement les subventions du champ de la mise en concurrence. » affirme Me Emmanuelle Yvon, avocate de la FNSF.

Malgré l’argumentation développée par la FNSF, et dans un contexte de crise sanitaire et d’augmentation des violences faites aux femmes et de recours au 3919, l’État a publié le marché public le 15 décembre 2020. Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée à l’égalité Femmes-Hommes, a alors annoncé que le marché serait réservé aux acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS). Or la loi prévoit qu’un marché ouvert uniquement à l’ESS ne peut être attribué deux fois de suite au même prestataire.

Au terme des trois ans fixés par ce premier marché, si la FNSF répondait et si elle était retenue par l’État, la FNSF serait dépossédée de la propriété du 3919, des données accumulées et de tout son savoir-faire en matière d’écoute des femmes. C’est donc un marché de dupes qui se présente à la FNSF : si elle postule et remporte le marché, alors dans trois ans, elle sera obligatoirement écartée si le marché reste réservé à l’ESS ; si le marché est ouvert à toutes les entreprises, les associations de la FNSF se retrouveront en concurrence avec des entreprises de téléphonie privées en recherche de profit, auxquelles l’Etat aura préalablement transmis le savoir-faire de la FNSF afin de garantir l’égalité de traitement des candidats.

Dans ces conditions, et après consultation de ses conseils juridiques et de ses membres, la FNSF a décidé de ne pas postuler à un tel marché public. « Le 3919 est un dispositif d’intérêt général spécifique pour les femmes victimes de violences, la qualité de la réponse est une exigence pour ces femmes et leurs enfants. Pourtant, le cahier des charges proposé par le ministère ne comporte que des éléments quantitatifs et ignore les exigences de la Convention du Conseil de l’Europe (Convention d’Istanbul) sur la prévention et la lutte contre la violence à l’encontre des femmes et la violence domestique. Ces éléments viennent confirmer notre opposition à cet appel d’offres que nous attaquons devant la justice. » explique Dominique Guillien-Isenmann, présidente de Solidarité Femmes.

Considérant que ce marché public est illégal et met en péril la qualité du service d’écoute, la FNSF a décidé d’introduire un « référé précontractuel » devant le Tribunal administratif de Paris par lequel l’association demande l’annulation de la procédure. Par cette action, la procédure de passation, qui devait être close le 1er février, est désormais suspendue à la décision du juge. Dans cette procédure en référé, la FNSF est représentée par Me Emmanuelle Yvon.

Selon Me Yvon, « Les récentes prises de positions du Gouvernement sur la pérennité du 3919, qui appartient à la FNSF, viennent en contradiction avec le cahier des charges qui prévoit l’attribution d’un nouveau numéro pour le service et caractérisent un manquement au droit des marchés publics.  La consultation méconnaît également gravement la Convention d’Istanbul en omettant totalement l’approche féministe que doit revêtir la permanence téléphonique nationale, d’écoute, de soutien et d’orientation aux femmes victimes de violences. La procédure de passation- qui n’avait pas lieu d’être- est donc irrégulière ».

La FNSF invite le gouvernement à changer de stratégie, mettre fin à l’appel d’offres, et à pérenniser le 3919 en augmentant le montant de subventions, dans le cadre de la convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens, et ainsi soutenir l’activité et le professionnalisme des associations spécialistes de terrain.

Solidarité Femmes 

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