Articles récents \ France \ Économie Caroline Combot : «Nous avons été écarté.es de la réflexion […] comme si nos maternités étaient des espaces de « covid-free »»

Caroline Combot sage femme

 

Le 5 mai était la journée internationale de la sage-femme. Cette année, la journée était « sans  sages-femmes ». Les syndicats et associations avaient décidé d’organiser une journée nationale de  mobilisation pour dénoncer leurs conditions de travail et réclamer plus de reconnaissance et  de valorisation de leur métier. Caroline Combot, sage-femme depuis 25 ans est secrétaire  générale de l’Organisation Nationale Syndicale des Sages-Femmes (ONSSF).  

Pouvez-vous présenter votre syndicat ONSSF ?  

LONSSF existe depuis presque 60 ans maintenant. Ce syndicat est professionnel et représente  toutes les sages-femmes dans tous leurs modes d’activité : salarié·es, dans le privé, dans le public, les sages-femmes territoriales, les étudiant·es, les retraité·es, les sages-femmes en congés-parentaux…  

Le rôle de notre syndicat est de porter la voix des sages-femmes. Par exemple pour les sages-femmes  libérales, nous sommes amené·es à négocier avec la Caisse d’Assurance Maladie pour les  cotations des actes (1). Nous sommes aussi en contact avec d’autres institutions comme les ministères, les Agences Régionale de Santé. 

Pour la journée internationale des sages-femmes, les syndicats se sont mobilisés. Pourquoi  avez-vous fait grève ?  

La profession est en difficulté depuis plusieurs années. Plusieurs mouvements de grève ont eu lieu, notamment dans les années 2013/2014, qui ont abouti à des propositions qui ne fonctionnent pas sur  le terrain. 

Nous avons décidé de nous mobiliser cette année, notamment le 5 mai, qui est une journée  symbolique pour les sages-femmes. C’est notre 5eme journée de mobilisation en quelques mois. 

Ce qui a fait déborder le vase, ce sont les conclusions du SEGUR de la santé datant de l’été dernier. Le SEGUR a considéré les sages-femmes comme étant des personnels  paramédicaux dans les rémunérations et revalorisations qui ont été proposées. Mais avant cela, nous nous sommes insurgé·es parce qu’après avoir été invité·es à la conférence d’inauguration du SEGUR nous n’avons été convié·es à aucun groupe de travail. Finalement, nous nous sommes rendu·es compte que la périnatalité dans sa globalité n’avait pas été associée aux travaux du SEGUR alors que nous étions en pleine crise sanitaire. Nous avons été complètement écarté·es de la réflexion de la prise en charge des femmes enceintes et malades, de la réorganisation des maternités, comme si les maternités étaient des espaces de « covid-free ».  

Cette accumulation n’a fait que mettre en avant le malaise ressenti par les sages-femmes depuis  longtemps.

Et quelles sont vos revendications ? 

Aujourd’hui nos demandes et revendications sont principalement sur la reconnaissance de la  profession. 

Ce qui signifie que l’on ne nous oublie pas quand il y a des textes qui peuvent concerner la profession. Nous voulons des effectifs suffisants dans les maternités parce qu’actuellement les maternités fonctionnent sur la base d’un décret datant de 1998 qui n’est plus du tout adapté à la réalité de ce qui se passe au sein de nos maternités et à la réalité de la prise en charge des femmes par les sages-femmes. Nos compétences ont beaucoup évolué depuis une vingtaine d’années. Nous sommes à même de soigner certaines pathologies des femmes en toute autonomie et pourtant, dans les effectifs prévus par les  décrets de périnatalité cela  n’est pas pris en compte… Dans les maternités actuellement, nous avons un ratio nombre de  patiente/sage-femme qui est absolument impossible et infernal. Les sages-femmes ne peuvent pas accueillir correctement les femmes qui viennent consulter en maternité (accouchement,  pathologie de la grossesse, problème gynécologique). 

Il y a aussi un défaut de recrutement. Avant d’être titularisé·es dans les hôpitaux publics, les sages-femmes ont un parcours long parfois d’une dizaine d’années, enchaînant les contrats précaires. Elles vivent une précarité  de l’emploi qui est insupportable. D’autant plus que ces contrats au niveau valorisation salariale sont calqués sur des grilles salariales qui ne sont pas à jour et qui, dans certaines maternités, datent  de 2016. Donc nous avons des jeunes collègues sages-femmes qui démarrent leur carrière en étant  payé.es 1600 euros par mois, avec un bac+5. Cela nous semble inadapté et inacceptable.  

Le résultat de toutes ces difficultés est que beaucoup de sages-femmes se détournent de l’exercice salarié, soit pour faire du libéral soit pour envisager des reconversions professionnelles (et parfois même, sans avoir exercé du tout). À l’heure actuelle, il y a une grosse difficulté de recrutement dans les établissements, ce qui nous inquiète beaucoup. 

Y’a t-il des hommes dans votre syndicat ?  

Au sein du conseil d’administration il y a deux hommes qui sont tous les deux sages-femmes  libérales à Paris et en région Parisienne. 

De façon générale, les hommes sont très investis pour la profession, notamment au sein de l’Association Nationale des Étudiants  Sages-Femmes qui a eu un grand nombre de futurs hommes sages-femmes en son sein très investis pour la défense des droits des étudiant·es sages-femmes. Après, ils viennent chez nous ! (Rires)  

Votre syndicat s’intéresse-t-il aux violences obstétricales ?  

Oui bien sûr ! C’est une de nos priorités. Nous sommes régulièrement associé régulièrement à des travaux avec le Haut Conseil à l’Égalité (HCE). Notre vice-président, Willy Belhassen, fait partie d’un groupe de travail sur les violences faites aux femmes au sein du HCE. Le Conseil de l’Ordre des sages-femmes est très investi auprès de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violence et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) pour toutes ces thématiques de violences. Les sages-femmes se forment sur les problèmes de violences, pas uniquement obstétricales. Cela fait vraiment partie des questions aux femmes que nous accueillons que de leur demander si elles subissent des violences. Nous voulons être dans la défense des femmes et dans la lutte contre ces violences qu’elles peuvent vivre au sein de leur foyer. Leur imposer une certaine forme de violence au sein des maternités n’est pas acceptable pour nous.

Propos recueillis par Youna Henoque 50-50 Magazine

1 La Classification Commune des Actes Médicaux établit la liste des cotations à utiliser pour les actes techniques, à compétence partagée avec les médecins : les actes gynécologiques, les actes d’échographie, les accouchements, l’acupuncture (dans certaines indications). 

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