Articles récents \ DÉBATS \ Contributions Les femmes des quartiers : otages entre l’extrême droite et l’indigénisme

lutter extrême droite

Historiquement La femme a toujours cristallisé, tous les dangers dénoncés par l’extrême droite : baisse de la natalité, dislocation de la famille. D’autre part son image est utilisée systématiquement dès lors que l’on parle d’insécurité.

On verra comment ce discours d’ordre moral tenu par l’extrême droite a infiltré tout le corps social. Tou·tes ont été atteintes, même celles et ceux qui prétendaient lutter contre ces thèses.

Pour la droite extrême La femme idéale est avant tout mère, épouse et ménagère. Elle ne saurait sortir de ces rôles qui lui sont impartis.

Or, l’arrivée de la contraception et de la liberté de l’avortement a donné aux femmes leur liberté sexuelle et leur a permis de planifier sans crainte les naissances.

Pour l’extrême droite, cette liberté est à la racine même de tous les maux dont souffre notre société, le plus grave étant la chute de la natalité. On sait pourtant et l’on a trop tendance à l’oublier, que les femmes ont toujours planifié leurs maternités affrontant pour cela toutes sortes de dangers. Mais elles font ici figure d’accusées : les Françaises ne remplissant plus les berceaux laissent « déferler la démographie des femmes immigrées ». Cet argument est également faux mais dès la deuxième génération, les femmes immigrées constituent d’autant plus une menace qu’elles symbolisent la mixité, le mélange.

« Demain » déclare Jean-Marie Le Pen, en 1984 à la télévision, « les immigrés s’installeront chez vous, mangeront votre soupe et coucheront avec votre fille ou votre fils. »

S’agissant de la dislocation de la famille, que dit la droite extrême : la cause en est le travail des femmes. « Dans un mélange, il faut qu’il y ait une autorité » dit un ténor de l’extrême droite, « et nous pensons que la plus qualifiée est celle de l’homme. » Or, il ne fait aucun doute que l’autonomie acquise dans le couple pousse les femmes au divorce. Et le divorce engendre les désordres sociaux sur lesquels cette droite là a bâti son programme : délinquance, drogue, violences, homosexualité, sida…

On trouve chez elle, une aversion pour toute forme de liberté, facteur de désordre. Tout doit être quadrillé. Parlant de la préparation d’une éventuelle campagne sur la contraception, le président du tristement célèbre mouvement Avenir et Culture, filiale de la Secte Tradition‑Famille‑Propriété écrit le 14 février 1992 : « le gouvernement français utilisera l’argent public pour vanter auprès des très jeunes la contraception et les inciter à avoir des relations sexuelles au gré de leurs instincts, dès l’âge de 11 ans, en dehors de la moindre règle morale. » L’homosexualité, on le sait, a toujours été réprimée par l’extrême droite. On se souvient des triangles roses et verts que l’Allemagne nazie imposait aux homosexuels et lesbiennes. Il existe pourtant un mouvement homosexuel d’extrême droite dont les publications Gaie‑France font frémir par leurs références à l’homme aryen, à la camaraderie virile au sein d’une société militaire.

Face à toutes ces menaces, que propose l’extrême droite ? La restauration de la famille, et pour cela on trouve dans le programme du RN plusieurs idées.

Création du revenu maternel. Libération des postes de travail grâce au revenu maternel L’instauration du revenu maternel conduira un certain nombre de femmes actuellement au travail à le quitter pour bénéficier de cette rémunération et se consacrer à plein temps à l’éducation de leurs enfants. Ce faisant, elles libéreront des postes de travail et réduiront d’autant le nombre de chômeurs.

Proposition d’une aide sociale accordée prioritairement aux Français·es.
C’est pourquoi, il est nécessaire d’instaurer pour l’aide sociale le principe de la préférence nationale.

Cation de la journée nationale de la famille.
La famille et les valeurs qu’elle implique sont à remettre à l’honneur. Une journée nationale de la famille devrait donc être instituée pour assurer chaque année, par des manifestations festives et médiatiques, la promotion des valeurs familiales.

Les lois légalisant la contraception et l’IVG, sont des lois très libérales. Il faut souligner qu’aucune Française n’a été dans l’obligation, depuis 1967, de prendre une contraception ni, depuis 1975, de subir une IVG. Mais les partisan·nes du refus ne supportent pas que l’on ne se conforme pas à leurs propres lois. Non content.es de passer à l’attaque dans leurs écrits, elles/ils multiplient les opérations musclées, et l’on voit ainsi agir en toute impunité depuis janvier 1990 des Commandos anti‑IVG  qui attaquent des centres IVG.

Une quarantaine d’attaques ont eu lieu depuis 1990 se déroulant toujours selon le même scénario. Arrivé sur les lieux dès l’ouverture du centre d’un commando d’une trentaine de personnes, de tous âges, femmes et hommes se réclamant de différents groupes « Trêve de Dieu », « SOS Tout‑Petits » etc., formés de catholiques intégristes disant agir comme défenseurs de la vie, tels « des casques bleus contre l’avortement et sa victime ! ». Elles/ils occupent les blocs opératoires, s’enchaînent aux tables d’opération par le cou avec de gros cadenas, dé-stérilisent le matériel, s’emparent des dossiers, volent les boîtes RU 486 (Contraception d’urgence). Puis elles/ils se mettent à prier et à faire du prosélytisme auprès des femmes et du personnel hospitalier. On imagine le désarroi des femmes venues subir une IVG que l’on doit renvoyer sur d’autres centres.

Aussi incroyable que cela puisse paraître aucune inculpation n’a encore eu lieu contre ces commandos.

Marine le Pen se prend pour la femme libérée blanche, tout en menant sa « politique de dédiabolisation » pour rendre acceptable le RN, elle instrumentalise le féminisme, la laïcité, reprend nos concepts féministes en les pervertissant et en y ajoutant son venin raciste.

Le danger elle l’a trouvé : c’est l’homme musulman. Le Pen se lance dans sa croisade anti arabe et dénonce « une colonisation inversée ». Préservation de la femme blanche, voilà son féminisme. La revendication identitaire, Sarkozy l’avait bien utilisée avec son ministère de l‘Identité.

La nièce Le Pen l’a bien suivi et des femmes empruntant les méthodes d’action aux Femen « les Némésis » se voilent d’une burka devant la Tour Eiffel, viennent dans nos manifs (le 25 novembre 2020) pour dénoncer les hommes étrangers. 

Il faut être vigilantes face à ces fausses féministes, en faisant connaître leur plateforme raciste, leurs votes au parlement européen contre les droits des femmes. Il faut leur dire que nous n’avons pas besoin d’elles pour nous libérer !

Il existe une autre tendance tout aussi dangereuse pour les femmes, notamment immigrées. Houria Bouteldja essentialise des femmes et des hommes d’origine immigrée.

Dans « le Nous femmes indigène »s, les hommes « indigènes » sont omniprésents en particulier le garçon arabe, quand Houria Bouteldja puise dans sa trajectoire personnelle. Une nouvelle fois, il est écrasé, dominé par la généralisation du regard essentialisé qu’elle porte sur son père et son frère : « mon frère a honte de son père. Mon père a honte de son fils. Aucun des deux n’est debout. Je ramasse leur virilité déchue … »

Elle glorifie un rite patriarcal de protection de la virginité. Exhibant les marques laissées sur sa cuisse par un « rite patriarcal » pour nous dire que son corps ne lui appartient pas. Elle se livre à une description, empreinte d’orientalisme, d’un rituel de protection de la virginité, le r’bit dont le sens est de « fermer » les femmes à tout rapport sexuel avant le mariage. C’est l’adjectif fermé dans deux variantes, marbouta et m’sakra en dialecte algérien, qui est employé pour qualifier les femmes qui l’ont subi. Les femmes en gardent une marque à vie. Plus tard, avant sa nuit de noce, la femme se soumet de nouveau à ce rituel en présence de sa mère et prononce la phrase rituelle pour la « dénouer ».

Magnifique patriarcat indigène glorifié par Houria Bouteldja.

Elle réinterprète, comme ça l’arrange, pour illustrer son refus « d’endosser un mot d’ordre conçu par et pour des féministes blanches », entendez la liberté à disposer de son corps. La cicatrice serait là pour attester que son corps ne lui appartient pas. Il appartient à ses parents, ses grands-parents, ses ancêtres, sa descendance éventuelle : « c’est un rite patriarcal qui s’empare de ton corps, qui l’enchaîne à la lignée des ancêtres ». 

L’instrumentalisation honteuse de ce rituel de protection de la virginité : faire de sa cicatrice une estampille « Indigène de la République ». Elle refuse ainsi la liberté à disposer de son corps et prône l’aliénation au profit de la famille et du quartier. Elle se bat contre les mariages dits « mixtes ».

La perspective dé-coloniale d’Houria Bouteldja, ne s’arrête pas là, elle est aussi matrimoniale. Inutile de songer une seconde à la liberté de choix de son conjoint. La seule alternative : se marier avec « un indigène », « car enfin nous ne sommes pas des corps disponibles à la consommation masculine blanche ». Si certaines seraient tout de même tentées par l’aventure avec un « Blanc », elle les met en garde : qu’adviendra-t-il lorsqu’elles se feront larguer, elles subiront l’opprobre et la précarité .

La violence des propos de Bouteldja à l’encontre de toutes celles et ceux qui n’ont pas fait le choix de l’allégeance communautaire ne se limite pas qu’aux femmes « indigènes ». Les gays « indigènes » qui font leur coming out et donnent l’occasion aux « Blancs » de s’extasier, « ces héros à deux balles », n’y échappent pas. Pour Houria Bouteldja, l’homosexuel « indigène » se doit d’être un gay discret, de vivre caché et de mettre en œuvre toutes les stratégies pour qu’il en demeure ainsi. Aspirer à vivre librement et au grand jour son homosexualité ne peut être, encore une fois, qu’une idée proposée par les « Blancs ». Quant aux lesbiennes « indigènes », inutile d’en parler, elles sont invisibles dans le « Nous femmes indigènes » de Bouteldja.

L’émancipation par l’étouffement et attendre la disparition du racisme, avant dans les années 60 il fallait se taire et attendre le grand soir libérateur.

Voilà ce à quoi nous sommes condamnées nous femmes des quartiers : choisir entre la peste et le choléra. Otages entre l’extrême droite et l’indigénisme.

Mais nous avons développé nos outils de résistance loin de ces deux extrêmes.

Mimouna Hadjam porte-parole d’Africa 93

Lire plus : Droit à l’IVG : la droite et l’extrême droite montrent à nouveau leur vrai visage !

Photo de Une : Zhara Agzous . Mimouna Hadjam à la Maison des Femmes de Paris s’exprimant sur les droits des femmes, l’extrême droite et l’indigénisme.

print