Articles récents \ Monde \ Europe Adoption du congé menstruel : l’exemple législatif espagnol

L’année 2022 s’achève sur un bilan législatif très positif pour l’Espagne. Le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez s’est attaché à mener à bien des projets de loi progressistes pour les droits et la santé des femmes et des LGBTQIA+. Sous l’égide de la ministre de l’Egalité Irène Montero, un travail important a été réalisé.

Le 15 décembre, le Parlement espagnol a voté ( avec 190 voix favorables sur 349 sièges) des textes instituant le congé menstruel pour les personnes souffrant de règles douloureuses. Ce projet inédit en Europe est porteur d’une forte dimension symbolique. Selon Irène Montero, membre de Podemos (Parti membre du groupe de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique au sein du Parlement européen) il s’agit de briser politiquement le tabou qui précarise toujours la prise en charge médicale des règles. C’est une étape nécessaire qui permettrait à terme une meilleure appréhension de la dysménorrhée, au même titre que les autres douleurs chroniques et incapacitantes. Cet événement a généré une vague de débats en Europe, partagée entre enthousiasme et scepticisme : certain.es, y compris dans les rangs féministes, ne cachent pas leurs craintes quant à de potentiels effets pervers, comme la hausse de la discrimination à l’embauche. D’autres craignent une utilisation abusive de ces congés. Irène Montero a défendu son travail en rappelant que le véritable risque serait de continuer à invisibiliser la douleur de milliers de femmes, et de perpétuellement reléguer les menstruations à la sphère privée quand tant d’aspects économiques, politiques et professionnels y sont liés. Médicalement, il faut pouvoir reconnaître les faits pour pouvoir préserver la santé mentale et physique des concerné.es. En Espagne, cette question de la santé menstruelle peut désormais être approfondie à la fois politiquement et dans la sphère médicale.

Cette actualité réintroduit dans le débat public une réflexion importante sur la santé des femmes, et sur la nécessité d’une meilleure connaissance de symptômes comme le syndrome pré-menstruel (SPM), le syndrome du choc toxique, l’endométriose, ou encore la prise en continu de médication à base d’antidouleurs, d’anti-inflammatoires, et/ou d’antispasmodiques. Selon un sondage mené en octobre 2022 en France par l’IFOP, 35% des femmes en entreprise ont déclaré que les douleurs liées à leurs règles impactaient négativement leur travail. Quand aux inquiétudes sur une utilisation potentiellement malhonnête de ces congés, il faudrait rappeler que les femmes ont toujours dû apprendre, bon gré ou mal gré, à composer avec la dysménorrhée au travail. La santé menstruelle est un droit comme un autre dont nous devrions tou.tes pouvoir disposer.

Ce projet de loi s’inscrit dans un projet plus global du gouvernement espagnol, qui regroupe entre autres l’élargissement du droit à l’IVG – sans autorisation parentale –  aux mineures de 16 et 17 ans : un projet de mai 2022 vise à sécuriser la pratique de l’avortement dans les hôpitaux publics espagnols dans lesquels un nombre important de médecins s’y refusent par « objection de conscience personnelle ». D’autre part, la loi « solo sí es sí » (« seul oui est un oui »), entrée en vigueur le 7 octobre, replace la notion du consentement au centre de la législation sur les violences sexuelles. Enfin, le 22 décembre, un projet de loi permettant aux personnes transgenres de changer d’identité de genre sur les documents officiels, dès 16 ans et sur simple rendez-vous administratif, a été adopté.

L’Espagne fait largement figure de modèle pour l’Europe. La loi organique espagnole de 2004 est une petite révolution féministe, car elle se réfère pour la première fois aux termes de « violences de genre », plutôt qu’à ceux de violences domestiques ou conjugales, symbolisant ainsi la reconnaissance du caractère structurel du problème. Dans la lignée des pays nordiques, le pays est sous bien des aspects un exemple pour les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+. L’actualité espagnole introduit un espace de réflexion médiatique aussi en France.

En France, un « ambassadeur aux droits LGBT+ »  a été nommé.  Cette année, le gouvernement Macron a pris quelques mesures pour la santé sexuelle des jeunes, applicables dès le 1er janvier 2023, dont la gratuité des dépistages des maladies sexuellement transmissibles, de la pilule d’urgence et des préservatifs, sans ordonnance médicale, jusqu’à 26 ans.

Nous restons cependant très loin du congé menstruel. Il semblerait que nous puissions nous référer à l’Espagne sur cette thématique, pays qui indique au reste de l’Europe la marche à suivre.

Thelma de Saint Albin 50-50 Magazine

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