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VADE RETRO 2022… BIENVENUE 2023 !

Dans un contexte planétaire de recul des Etats de droit, des droits humains et en particulier des droits des femmes, la rétrospective de l’année 2022 montre pourtant quelques avancées, décisives ou modestes mais toujours symboliques, vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes et permet d’espérer de belles éclaircies en 2023.

D’un bout à l’autre de la Terre, l’année 2022 a été marquée, comme les deux précédentes, par un recul global des droits des femmes, sur une planète qui ne va pas bien.

On le savait dès 2020, la pandémie de Covid19, laquelle n’en finit toujours pas de muter de frontières en frontières, s’est ensuivie de crises sanitaire, économique, sociale et politique qui ont fait régresser les droits des femmes de 36 ans selon l’ONU.

Nous n’avons donc pas fini de rattraper le retard sur le chemin de l’égalité entre les hommes et les femmes, en zones de conflits comme dans les pays en paix : aggravation exponentielle des violences sexistes et sexuelles, viols systémiques comme arme de guerre, traite humaine aux fins d’esclavage ou de prostitution, paupérisation élargie des femmes, abandon de l’école pour les filles, augmentation des mariages d’enfants, grossesses précoces et mutilations sexuelles féminines, minorité persistante de femmes aux postes de décision. Cela dans un contexte de retour de la guerre en Europe, d’accélération du réchauffement climatique, de déforestation amazonienne, d’appauvrissement de la biodiversité et des ressources en eau et en nourriture pour des millions de terrien.nes, qui voient se creuser davantage le fossé entre les plus riches et les plus pauvres. Sans oublier la montée continue des conservatismes politiques et religieux, au point que les gouvernements non démocratiques représentent aujourd’hui 45% des Etats de la planète.

Interdiction progressive d’accès aux espaces publics, révocation du droit à l’avortement, répression féroce des manifestant.es, crimes de guerre sexo-spécifiques… De l’Afghanistan aux États-Unis, de l’Iran à la Russie, de la Somalie à la France et à la Syrie, les droits des femmes sont le baromètre des Etats de droit. Et de leur déclin.

Pourtant, de belles avancées ont émaillé l’année 2022 ça et là. De quoi nous y accrocher et nous encourager plus que jamais à poursuivre la lutte féministe. Pour nous, pour nos sœurs ici et ailleurs, « positivons » en rappelant quelques victoires, petites et grandes, qui ont jalonné l’année et laissent espérer que 2023 sera meilleure.

Femmes, Vie, Liberté !

En Iran, malgré les représailles brutales des mollahs contre le mouvement révolutionnaire né de la mort de la jeune Mahsa Amini aux mains de la police des moeurs en septembre, les Iranien.nes continuent le combat contre ce régime dont ils ne veulent plus, sous la bannière Femmes, Vie, Liberté, que la communauté internationale a désormais fait sienne, symbole des femmes debout face à l’injustice.

Des dignitaires musulmans contre les talibans.

L’étau se resserre un peu plus chaque mois sur les Afghanes depuis le 15 août 2021, date de reprise du pouvoir par les talibans : interdites d’éducation et de travail, obligées de se cacher sous la burqa pour éviter « toute provocation »(sic), elles sont peu à peu interdites d’accès aux espaces publics, à la vie sociale, à la vie tout court. Toutefois, le dernier décret leur interdisant l’université sera peut-être celui de trop. En effet, une association de responsables musulmans européens accuse les talibans de trahir la charia en interdisant aux femmes afghanes d’étudier. Ils s’appuient sur la position prise par l’Institution Al-Azhar en Egypte, la plus haute autorité sunnite du monde. De quoi faire fléchir, sinon réfléchir, les talibans, sunnites eux aussi ?

Des progrès dans le droit à l’avortement.

Si la Cour suprême des Etats-Unis a annulé l’arrêt Roe vs Wade qui garantissait aux Américaines le droit d’interrompre leur grossesse, ouvrant à la remise en question de l’IVG dans près d’une dizaine d’Etats, la cour constitutionnelle de Colombie a, elle, dépénalisé l’avortement jusqu’à 24 semaines de grossesse. Dans ce pays très catholique, cette décision autorise les femmes à avoir recours à l’avortement quel que soit le motif jusqu’au sixième mois de gestation.

Plus modestement en France, le délai légal de l’IVG est passé de 12 à 14 semaines. Ebranlé.es par la remise en cause de l’IVG aux Etats-Unis, les parlementaires français.es ont débattu de sa constitutionnalisation, l’Assemblée nationale a voté pour, le Sénat s’y est opposé. A suivre…

Au Mexique, la Cour suprême a confirmé juger inconstitutionnelle la criminalisation de l’avortement. Pour ce vote unanime, qualifié d’historique, le président de la Cour, Arturo Zaldivar, a déclaré :  » C’est un pas de plus dans la lutte historique pour l’égalité (des femmes), la dignité et le plein exercice de leurs droits.  »

En Inde, l’un des pays les plus violents pour les femmes et les filles, la Cour suprême reconnait désormais le droit des femmes non mariées à avorter et la notion de viol conjugal. Ces deux jugements sont  considérés comme « révolutionnaires » car ils suppriment la distinction artificielle d’une part entre femmes mariées et non mariées, d’autre part entre viol et viol conjugal.

Féminicides

Les féminicides ne sont malheureusement pas en baisse sur notre planète en 2022. Pas plus qu’au cours de la dernière décennie. Chaque heure, plus de cinq femmes ou filles sont tuées dans le monde par un proche. En France, 135 femmes en sont mortes, contre 48 en Espagne. Ce sont dix femmes par jour au Mexique, soit entre 3000 et 3600 par an. La Chine et l’Inde – plus du tiers de la population mondiale – révèlent un déficit de femmes et de filles de l’ordre de près de 100 millions, en raison d’une sélection massive des naissances.

Cependant, beaucoup de pays ne décomptent pas les féminicides sur leur sol. Or, il faut dénombrer chaque victime, analyser et améliorer la compréhension des risques et des facteurs de féminicides pour y répondre efficacement en matière de prévention et de justice pénale. L’ONU appelle à une action transformatrice et encourage les Etats à mettre en œuvre des plans nationaux d’actions, en impliquant la société civile dans leur élaboration. Alors qu’attend on?

Eh bien, voici deux excellents outils pour tou.tes les acteurs/actrices de ce changement sociétal souhaitable.

Premièrement, l’ouvrage magistral Féminicides, une histoire mondiale, (1) dirigé par l’historienne et féministe Christelle Taraud qui réunit une équipe multidisciplinaire des plus grandes spécialistes mondiales sur le sujet. Une somme. Près de mille pages de faits, chiffres et analyses sur l’un des plus grands fléaux de la planète, celui qui touche directement plus de la moitié de l’humanité.

Deuxièmement, la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique, dite Convention d’Istanbul. Signé en 2011, c’est le traité international le plus complet sur le sujet. Il contraint les Etats l’ayant adopté à dérouler une série d’actions concrètes et à en rendre compte régulièrement. A l’origine européenne, la Convention d’Istanbul a une portée universelle et peut être adoptée par tout pays qui le souhaite. Signée par 45 Etats et ratifiée par 37, elle reste pourtant insuffisamment connue et utilisée.

En 2023, pourquoi la communauté internationale ne déciderait elle pas une action internationale concertée d’information-sensibilisation sur la Convention d’Istanbul ?

Cocorico !

Pour finir sur une note joyeusement cocardière cette rétrospective 2022, saluons les Françaises qui ont été distinguées. D’abord, la nomination de notre Première ministre Elisabeth Borne et pour la première fois une femme au Perchoir (2) de l’Assemblée nationale, Yael Braun-Pivet ; les réalisatrices  Alice Diop doublement primée à la Mostra de Venise pour son film Saint Omer et Euzhan Palcy, Oscar d’honneur pour son œuvre. Last but not least, Annie Ernaux, première française prix Nobel de littérature, et  bien sûr Sophie Adenot, la spationaute successeuse de Thomas Pesquet qui nous emmènera bientôt dans les étoiles… De quoi rêver une belle année 2023 !

Jocelyne Adriant Mebtoul 50-50 Magazine

1 Féminicide. Une histoire mondiale. Dirigé par Christelle Taraud. Ed. La Découverte 2022

2 Le perchoir est le mot familier pour désigner le siège du/de la Président.e de l’Assemblée nationale

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